Dix ans de rebondissements et de déceptions

Depuis dix ans, l'histoire d'Eurotunnel a tout du film catastrophe. Si la France et l'Angleterre ont joué les Trompettes d'Aïda, lors du lancement du projet en 1985, les actionnaires n'ont connu que des déboires. Seuls gagnants si l'on peut dire, les gouvernements français et britanniques qui sont parvenus à faire financer par des fonds privés une infrastructure publique. C'est à la faveur de la première augmentation de capital, en novembre 1987, que les titres Eurotunnel sont introduits en Bourse. Deux ans plus tard, décision est prise de retarder l'ouverture du tunnel au 15 juin 1993, entraînant un surcoût de 600 à 700 millions de francs. A mesure que les années passent, la facture totale explose, pour atteindre une centaine de milliards, contre 50 milliards initialement prévus. Deux augmentations de capital ne suffiront pas à combler les trous alors que l'endettement ne cesse de grimper. Le démarrage de l'exploitation du tunnel s'échelonne entre juin et décembre 1994. Les premiers résultats se soldent par une perte de plus de 3 milliards de francs. Le gouffre est tel que les dirigeants d'Eurotunnel suspendent le paiement des intérêts de la dette à partir du 15 septembre 1995. Le tribunal de commerce de Paris désigne deux mandataires ad hoc en février 1996, Robert Badinter et Lord Wakeman, pour superviser les négociations entre Eurotunnel et ses 225 banques créancières. Après de longs mois de négociations et de batailles par presse interposée, les dirigeants d'Eurotunnel et les représentants du syndicat bancaire parviennent enfin à un accord. Le 7 octobre 1996, à Londres et à Paris, le plan de restructuration financière est officiellement présenté. L'objectif de ce plan est de ramener la dette junior d'Eurotunnel de 69,4 milliards de francs à 31,2 milliards. En conséquence, la charge financière annuelle (à taux fixe jusqu'en 2003) est évaluée à 3,479 milliards contre 5,2 milliards en 1996 (sur la base d'une livre à 8,90 francs). Montage financier complexe. Pour en arriver là, les équipes de la banque-conseil Kleinwort Benson ont mis au point un montage financier d'une extrême complexité. La restructuration porte sur 54,9 % de l'endettement (junior). Une augmentation de capital et une émission d'obligations remboursables en actions à échéance 2003 permettront de convertir 23,36 % de la dette junior en capital. Les actionnaires actuels d'Eurotunnel auront la possibilité de souscrire à l'augmentation de capital, sous certaines conditions. De plus, 14,2 % de la dette seront convertis en obligations participantes échéance 2040, et 17,52 % en obligations à taux révisables échéance 2050. Pour permettre de rembourser la charge de la dette pendant les années où le cash-flow généré ne sera pas suffisant, Eurotunnel pourra puiser dans une ligne de crédit constituée par des obligations de stabilisation (échéance 2026) sans intérêt pendant neuf ans. De leur côté, les actionnaires se verront attribuer gratuitement des bons de souscription (voir ci-contre). Si ce plan est accepté et si ses projections d'activité se vérifient, Eurotunnel espère renouer avec les bénéfices à partir de 2005 et distribuer un premier dividende en 2006, dans le meilleur des cas. D. M. et P. Mo
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