Lebed dévoile un programme économique fourre-tout

Je ne suis pas un monstre, je suis un homme, je n'ai pas besoin du pouvoir pour le pouvoir. » Devant les journalistes, Alexandre Lebed s'est présenté ainsi, hier à Moscou, à l'occasion d'une ultime conférence de presse avant le deuxième tour de l'élection présidentielle. « Des pouvoirs accrus me sont indispensables, non pas pour des intérêts personnels, mais pour résoudre les problèmes de sécurité de l'Etat », a-t-il ajouté. Voilà qui a le mérite de la clarté. Le nouveau secrétaire du Conseil de sécurité et conseiller de Boris Eltsine ne se satisfait pas des fonctions purement consultatives de cet organe présidentiel, il veut être doté des « pleins pouvoirs » pour réaliser son programme qui est aussi vaste que sa conception personnelle de la sécurité nationale. Pour Alexandre Lebed, la sécurité recouvre en effet pratiquement tous les aspects de la vie sociale et économique. Cet ancien commandant de parachutistes a bien entendu des idées très arrêtées sur la manière de réformer l'armée et de lutter contre la corruption. Mais, plus surprenant, il entend aussi s'attaquer au redressement économique du pays. « La principale menace pour la sécurité de l'Etat reste l'absence de stratégie économique et d'un système rationnel de régulation par l'Etat de l'économie. Le déficit budgétaire est énorme », a-t-il ajouté sans craindre de contredire les déclarations rassurantes du ministère des Finances. « Tout le système monétaire est menacé et une grave crise bancaire se profile. » Le général fait usage de sonfranc-parler Le général Lebed fait donc usage de son franc-parler sur un terrain encore nouveau pour lui. Il s'était certes entouré de conseillers économiques pour sa campagne électorale. Mais il hésitait entre deux camps, l'un dirigé par Sergueï Glaziev, ancien ministre de Boris Eltsine passé à l'opposition et partisan d'un rôle accru de l'Etat dans la gestion de l'économie, et l'autre emmené par Viktor Naïchoul, économiste prônant un renforcement des pouvoirs de l'Etat dans un contexte de libre marché. Le programme qu'a présenté hier Alexandre Lebed, et qu'il compte soumettre à Boris Eltsine, ne lève néanmoins pas toutes les ambiguïtés. Car si des mesures concrètes y figurent, comme le durcissement du régime des visas pour les étrangers et le classement des Etats en fonction de leur degré d'amitié pour la Russie, il s'agit davantage d'une analyse très critique de la situation actuelle. Face à tous les dysfonctionnements de l'Etat, dont il rend en grande partie responsables les corrupteurs et les « barons de l'éner- gie » (lire ci-contre), il voit une solution : « Faire payer au complexe énergétique une rente pour l'utilisation des ressources naturelles, lui supprimer le droit de garder la totalité des profits sur des richesses qui appartiennent à tout le peuple. » Ces déclarations martiales pourront donc inquiéter le Premier ministre russe, ancien patron du conglomérat Gazprom et digne représentant du secteur énergétique, ainsi que les investisseurs étrangers. Néanmoins, le nouveau monsieur Sécurité reconnaît que « l'Etat russe doit s'appuyer sur les capitaux russes, mais, surtout, pour les années à venir, sur les capitaux étrangers ». Et s'il a souligné que « la poursuite de la lutte contre l'inflation sans une politique industrielle structurée aboutira à des faillites en masse et à l'accélération du déclin », il n'a pas pour autant remis en cause les relations avec le FMI. Cela étant, Alexandre Lebed a lâché avec un sourire : « Je suis un demi-démocrate. » B. B., à Moscou
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