Polémique sur la relance des grands travaux européens

Mais où sont passés les grands travaux européens ? Avant le dernier sommet de Madrid, Neil Kinnock, commissaire chargé des transports, avait haussé le ton en accusant les Quinze de ne pas faire assez d'efforts sur ce dossier qui représente, selon les calculs de la Commission de Bruxelles, autour de 400 milliards d'Ecus (2.540 milliards de francs) d'investissements jusqu'en 2010. Las, le dernier Conseil européen s'est borné à confirmer que « les réseaux transeuropéens peuvent apporter une contribution essentielle à la compétitivité, à la création d'emplois et à la cohésion de l'Union », tout en prenant acte « avec satisfaction (...) des progrès récemment intervenus dans ce domaine ». Derrière les voeux - pieux ? - de Bruxelles, les financements consacrés aux grands travaux ne suivent guère. Les engagements pour ces réseaux n'ont pas dépassé 0,5 % du budget communautaire pour 1995. « Pour la Commission, les grands traaux n'ont jamais été abordés comme un instrument de relance néo-keynésienne, mais plutôt dans le cadre d'une globalisation de l'économie. Autour des grands travaux, s'il y a des emplois, des investissements, des commandes, tant mieux ... », insiste-t-on à Bruxelles. Dans son livre blanc, pourtant, Jacques Delors, ex-président de la Commission, ne manquait pas de souligner que « les investissements potentiels (liés aux grands travaux) constituent un élément capital de la relance économique de l'Europe ». Au siège de la Banque européenne d'investissement (BEI), grand acteur (jusqu'à 50 %) des financements communautaires, on ne retient pas non plus l'idée d'une relance par les grands travaux. Et on insiste sur le caractère politique de ces projets, notamment des quatorze grands travaux d'infrastructu- res de transport (lignes TGV, autoroutes, tunnels transalpins...) décidés au sommet d'Essen fin 1994. « Tout ce qui était finançable a été financé » « Si ces projets avaient trouvé une voie de financement normale, ils ne feraient pas partie de ce que l'on appelle les grands travaux », remarque Henry Marty-Gauquié, porte-parole de la BEI, qui annonce avoir déjà financé directement neuf de ces projets, pour 4,06 milliards d'Ecus, depuis 1993. « Tout ce qui était finançable a été financé. Les grands travaux en attente soit ne sont pas encore techniquement définis, soit à l'évidence ne sont pas une priorité, soit encore sont victimes d'un problème de financement. En ce qui concerne le financement privé, l'exemple d'Eurotunnel a jeté un froid auprès des opérateurs non publics. Quant au recours à l'emprunt, il est exclu pour l'heure », estime Henry Marty-Gauquié. Une idée contre laquelle s'insurge Jean-Paul Fitoussi, de l'OFCE : « Il faut un ballon d'oxygène quelque part. Il est essentiel que l'Europe renoue avec une politique expansionniste. Cela passe par un élargissement de l'action de la BEI, par une utilisation plus volontariste des fonds structurels et par le grand emprunt, auquel les opinions publiques applaudiront », estime le directeur de l'OFCE. Se pose alors le problème de la contrainte budgétaire qui pèse sur chacun des Quinze. « Bruxelles ne peut à la fois prêcher la discipline budgétaire et encourager une relance par la dépense publique. La baisse des déficits est un impératif », réaffirme, de son côté, Christopher Pots, économiste chez Cheuvreux- De Virieu. ALAIN BARON
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