Une modernisation financière profonde mais inachevée par Daniel Lebègue*

Une volonté politique très forte manifestée par deux grands ministres des Finances, Jacques Delors et Pierre Bérégovoy, ainsi qu'une aspiration à la modernité de la part des professionnels les plus dynamiques ont amené notre pays à procéder à une profonde réforme financière, dont les temps forts se situent dans les années 1984-1987. En substance, il fallait rompre avec des décennies de réglementation et de protection pour donner souplesse et tonicité à notre système financier. L'objectif étant d'accompagner la grande mutation de l'industrie et de tenir le choc de la compétition internationale. Pour sortir d'une économie financière administrée, la France a tourné la page du contrôle des changes, de l'encadrement du crédit, tandis que la Bourse a été réformée, le Matif et le Monep créés ainsi qu'un grand marché des titres courts négociables. Simultanément, l'Etat a modernisé la gestion de la dette publique. Toute une série de réformes à enchaînement rapide pour introduire une dynamique de la concurrence, là où régnaient, antérieurement, rigidité, protection et rentes de situation. L'idée centrale de la réforme - doter notre pays d'un système bancaire et d'un marché des capitaux performants et compétitifs - a été pour l'essentiel atteinte. Mais la réforme financière reste inachevée. Les grandes entreprises et l'Etat ont aujourd'hui un accès direct et aisé au marché des capitaux. Ce n'est pas encore le cas pour la majorité des PME-PMI, notamment pour les entreprises en forte croissance. Il faut résoudre le problème des insuffisances de financement en fonds propres et en crédits pour ce type de sociétés. Comme il faut trouver des dispositifs assurant de façon efficace la transmission des sociétés familiales. L'autre grande action à mener est la poursuite de la modernisation du système bancaire. L'Etat laisse subsister des rentes de situation faussant les conditions de la concurrence et s'acharne à maintenir en vie des capacités de production devenues inutiles. Si les pouvoirs publics consacraient seulement la moitié de l'argent utilisé à soutenir des branches mortes à la création d'entreprises et à l'innovation, l'économie française s'en porterait beaucoup mieux. Les années Mitterrand n'ont pas été, comme certains le laissent entendre, des années où le système financier s'est développé au détriment du secteur industriel. Il suffit pour s'en convaincre de comparer la rentabilité actuelle des entreprises industrielles et commerciales qui se situe à un niveau historiquement élevé et celle des banques et compagnies d'assurances qui est à son niveau le plus bas. Pour que l'économie se porte mieux, il est indispensable de poursuivre dans la voie de la baisse des taux d'intérêt. Pour y parvenir, il est nécessaire de réduire les déficits publics, dont le montant n'inquiète pas seulement les marchés, mais également les contribuables et les épargnants. C'est la condition première d'un retour à la confiance. Il faut également améliorer l'état de santé des intermédiaires financiers, tant il est vrai qu'il n'est pas d'économie forte sans des banques solides et profitables. * Directeur général de la BNP, Daniel Lebègue a été directeur du Trésor de 1984 à 1987. Il a été l'un des principaux artisans des réformes qui ont profondément modi-fié les marchés financiers français.
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