Franc-tireur de l'assurance export

Un bouillonnant entrepreneur dans le monde figé de l'assurance n'est pas le genre de personnage que l'on croise tous les jours. C'est pourtant le cas de Louis Habib-Deloncle. Ce commerçant dans l'âme, héritier d'une grande famille d'entrepreneurs et d'hommes politiques aux multiples relations dans le monde arabe, a créé, il y a une dizaine d'années, une petite société sur un créneau très particulier. Sa compagnie, Unistrat, assure les exportateurs contre le risque politique dans les pays réputés particulièrement instables ou mauvais payeurs. Là où le Trésor français interdit d'intervenir à la Coface, l'agence officielle d'assurance crédit à l'exportation. Ce faisant, il permet à des centaines d'entreprises, qui partiraient autrement sans couverture ou qui n'auraient d'autre recours que de s'assurer auprès de la Lloyd's à Londres, de se couvrir à Paris. Le vent en poupe. Unistrat a aujourd'hui le vent en poupe : l'accent mis par les grandes sociétés sur la conquête des marchés émergents accroît la demande de couverture dans les pays exotiques. Avec quelque 500 clients et un encours de risques de 8 milliards de francs, Unistrat fait encore figure de PME. Mais elle est la seule société privée d'Europe continentale à offrir ce type de prestations. Même petite, « elle sert à huiler la complexe machine de l'assurance à l'exportation », souligne un professionnel du métier. « Elle rend des services uniques. » Il fallait du flair et du goût pour l'insolite pour s'établir sur une telle niche. « Dans l'assurance à l'exportation, il fait figure de pionnier », relève Pierre-Yves Cossé, ancien président de la Coface, qui fut témoin de ses débuts difficiles. A l'époque, l'idée de couvrir le risque politique du Zimbabwe au Panama faisait rire, au mieux. « On m'a pris pour un fou », raconte-t-il, lorsque, en 1984, fort d'une étude de marché, il fait du porte-à-porte auprès des compagnies d'assurances et de réassurance pour trouver du capital. « On me disait que le risque politique n'était pas assurable. Il est vrai qu'on ne peut pas le mettre sur une table actuarielle comme l'assurance auto. » Il martèle pourtant à ses interlocuteurs son raisonnement : même le pays le moins fiable de la terre a besoin de certains produits, alimentaires, pharmaceutiques, énergétiques, sur lesquels il fera difficilement l'impasse. Il parvient à convaincre. Aujourd'hui, Unistrat compte des actionnaires de qualité : la Coface, la Scor (Société Commerciale de Réassurance), l'UAP. Et élargit sa couverture aux préoccupations contemporaines, la protection des expatriés, la prise d'otages. Ses partenaires tentent encore de calmer ses ardeurs. Comme l'affirme l'un d'eux : dans ce mariage « de la carpe et du lapin », Louis Habib-Deloncle « est l'accélérateur, les institutions en sont le frein ». Sa trajectoire est en grande partie dictée par l'influence qu'a eue sur lui le clan Habib-Deloncle. Une famille très engagée à l'époque derrière le général de Gaulle, aux fortes convictions politiques libérales, aux traditions de patriotisme. Jeune enfant, il baigne déjà dans tout ce qui est international. Ancien résistant, son père, Michel, devient secrétaire général aux Affaires étrangères du Général, puis représentant au Parlement européen avant de fonder, en 1970, la Chambre de commerce franco-arabe. Son goût de l'exotisme, il dit le tenir de son grand-père, Louis Habib, joaillier d'origine libanaise, qui fut de toutes les grandes aventures du début du siècle, y compris des expéditions à la recherche des trésors perdus dans le golfe du Tonkin. Le grand-père épouse une demoiselle Deloncle, de Cahors, dont la famille n'avait pas d'héritiers. Les époux rapprochent les deux noms. « J'appartiens à une famille très ouverte sur le monde, cela m'a beaucoup marqué. » Contacts au Moyen-Orient. Les contacts de sa famille au Moyen-Orient seront déterminants. En 1977, il décroche un poste de représentant à Paris du groupe d'assurances du grand entrepreneur saoudien Gaith Pharaon. Ses clients étaient des entreprises du BTP cherchant à s'assurer contre les risques de transport ou de chantier dans les pays du Golfe. Petit à petit, on lui demande des polices de plus en plus élaborées, qui ne peuvent être fournies que par la Lloyd's de Londres. Les enseignements du Général n'ont pas été oubliés. Il ne veut pas, dit-il, abandonner cette activité « à nos amis anglo-saxons ». D'où l'idée de créer Unistrat. Aujourd'hui, le marché privé du risque politique se développe, aux Bermudes et aux Etats-Unis. Et Louis Habib-Deloncle se dit heureux que la France y trouve sa place. Blanca Riemer
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.