La France bannit à son tour l'amiante, à partir de 1997

Il aura fallu un rapport alarmant de l'Inserm (*), publié mardi, pour que la France décide de radicaliser sa législation sur l'amiante. « La fabrication, l'importation et la mise en vente de produits contenant de l'amiante, et notamment l'amiante-ciment, sont interdites et cette mesure prendra effet au 1er janvier 1997 », a annoncé hier Jacques Barrot, ministre du Travail et des Affaires sociales, accompagné d'Hervé Gaymard, secrétaire d'Etat à la Santé et à la Sécurité sociale. Selon les travaux de l'institut, près de 2.000 décès liés à l'utilisation de l'amiante devraient intervenir cette année. D'où une effrayante question : par le passé, combien de personnes ont-elles réellement été victimes de ce poison ? La réponse, si elle existe, risquerait d'accabler encore davantage les pouvoirs publics. Il y a plus d'une vingtaine d'années que le caractère cancérogène de l'amiante a été mis en évidence. La législation française sur l'utilisation du produit n'a été jusqu'ici qu'une suite de restrictions progressives, entamée voilà... dix-neuf ans, avec l'interdiction du flocage des bâtiments. A l'inverse, dès 1982, la Suède interdisait l'utilisation de l'amiante, bientôt suivie par l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège, la Suisse et l'Italie. Les Etats-Unis réagissaient en 1989 (voir ci-contre). Ne pouvant nier le retard pris par la France, hier, Jacques Barrot se cantonnait à souligner l'énergie déployée par le gouvernement. Elisabeth Hubert, ministre de la Santé dans le premier gouvernement d'Alain Juppé, avait, il est vrai, fait de ce dossier l'un de ses chevaux de bataille. Les déclencheurs ? Une liste de 150 bâtiments publics floqués à l'amiante établie par des associations (août 1995), puis une autre, publiée dans le magazine Science et Avenir (octobre 1995), pointant du doigt 36 établissements scolaires. Le ministre décidait alors de nettoyer tous les bâtiments collectifs contaminés, même si le coût de l'opération - on parle aujourd'hui de plus de 100 milliards - donne une idée de l'ampleur du chantier. Bientôt une surveillance épidémiologique Après son départ, Jacques Barrot a repris ce dossier, qui a donné naissance à deux décrets datés du 7 février 1996. L'un oblige désormais les propriétaires de bâtiments collectifs à repérer les flocages et calorifugeages avant fin 1999 et à entreprendre les travaux nécessaires. L'autre abaisse à 100 fibres par litre le nombre de fibres d'amiante dans l'air pour les activités professionnelles au contact de l'amiante. L'étape suivante sera donc le bannissement des produits contenant de l'amiante, Jacques Barrot précisant que cette interdiction « sera assortie de dérogations de certains produits, tels que les garnitures de frein de poids lourds ou les vêtements ignifugés, dès lors qu'il n'existe pas de produits de substitution moins dangereux ». D'autres mesures ont été décidées. Un décret imminent interdira la vente de biens de consommation contenant de l'amiante, tels les grille-pain, les tables et housses à repasser, les appareils de chauffage mobile... Les mesures de surveillance applicables aux flocages et calorifugeages s'étendront aux matériaux semi-durs (faux plafonds, cloisons mobiles, cartons amiantés). Inquiet de la sonnette d'alarme tirée par l'Inserm, le ministre a souligné que « les conditions dans lesquelles s'effectueront les opérations de retrait des matériaux à base d'amiante, imposent une grande vigilance, sous peine de multiplier les risques de contamination tant pour les travailleurs que pour le public ». Un système d'habilitation des entreprises chargées des nettoyages va donc être mis en place au début de 1997, via une procédure d'accréditation. Enfin la veille technologique et scientifique sera renforcée. Une surveillance épidémiologique des cancers des poumons et des mésothéliomes (cancer de la plèvre, maladie typique de l'amiante) sera notamment étudiée avec l'Inserm, « afin de préciser les conditions de survenue de ces tumeurs et de mesurer les risques réels d'expositions ». Jean-Pierre Gratien (*) Institut national de la santé et de la recherche médicale.
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