Grandeur et décadence d'une filière à la française

Le rapport Vanderschmitt sonnera-t-il le glas de la filière audiovisuelle des satellites de France Télécom ? La conclusion est tombée, brutale : « A l'instar des autres solutions nationales, la filière Télécom n'est pas en situation de faire une réelle concurrence à l'offre satellitaire d'Astra et d'Eutelsat. Les efforts à réaliser pour y parvenir seraient d'autant plus vains que la nouvelle génération de satellites arriverait sur le marché à un moment où, le numérique supplantant définitivement l'analogique, un début de surcapacité pourrait apparaître. » Et de préconiser des alliances avec l'européen Eutelsat, ou pire, avec l'ennemi historique, l'envahisseur luxembourgeois Astra. En clair : rien ne justifie plus que la France s'obstine à avoir sa propre technologie en matière de transmissions audiovisuelles. L'opérateur public doit se cantonner à son métier de prestataire de services, capable de travail ler aussi bien sur ses satellites, que sur ceux d'Eutelsat et d'Astra. C'est d'ailleurs ce que France Télécom, sentant le vent tourner depuis quelque temps, fait déjà. Elles sont loin les années 80, où la télévision privée et la transmission par satellite n'en sont qu'à leurs balbutiements. Fort de sa suprématie technologique, la France choisit de s'allier à l'ex-RFA pour donner naissance à la famille des TDF. Les opérateurs publics de part et d'autre du Rhin, France Télécom et Deutsche Telekom, choisissent d'investir dans les gros satellites. Fin de non-recevoir, en revanche, pour la chaîne luxembourgeoise RTL. Georges Fillioud, alors secrétaire d'Etat à la Communication, refuse de lui faire une place. Vexé et furieux, le grand-duché décide alors de se lancer tout seul dans l'aventure en mettant sur orbite ses propres satellites, plus petits et moins coûteux. C'est le début de l'extraordinaire épopée de la génération Astra, des satellites qui, quinze après, dament le pion aux Télécom et autres TDF. Au travers de sa société privée SES, le grand-duché se retrouve maître du jeu face à l'opérateur français France Télécom et l'opérateur européen Eutelsat. A l'époque, le gouvernement français s'est offusqué des velléités d'indépendance du petit luxembourgeois, l'accusant d'être le cheval de Troie des chaînes américaines en Europe. Fort est de constater, quelques années plus tard, que les clients d'Astra sont essentiellement des opérateurs européens. Pragmatique, Deutsche Telekom ralliait, dès 1994, le clan luxembourgeois en prenant 16 % du capital de SES. L'opérateur allemand a été plus malin que son homologue français : après avoir digéré l'échec de TDF, il s'est mis à collaborer. Bien qu'outsider, l'opérateur européen Eutelsat a également sa carte à jouer, et le directeur général de SES reconnaît lui-même que « sur certains marchés en Europe, Eutelsat pourrait être plus fort ». Manifestement, sans négliger pour autant le poids des querelles passées, le temps de la diplomatie et de la coopération a aussi sonné pour France Télécom. S. S.
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