1996 : moins de croissance, moins d'Europe ?

La disparition de François Mitterrand, dont l'oeuvre européenne a été unanimement saluée par ses pairs, est intervenue à un moment critique pour la construction communautaire. C'est un fait : depuis 1957, les progrès de l'intégration européene sont allés de pair, aux délais institutionnels et à la personnalité des hommes près, avec la croissance économique. Ce qui signifie aussi qu'une récession en Europe s'est toujours accompagnée, peu ou prou, d'un recul de la construction communautaire. Le fort ralentissement actuel de l'expansion, non seulement en France mais aussi en Allema- gne et en Grande-Bretagne, accompagné d'une crise de confiance généralisée et nourri d'un chômage structurel élevé - l'Union compte près de 20 millions de sans-emploi -, semble aujourd'hui induire les mêmes effets. En ce début d'année 1996, les grandes ambitions des Quinze sont confrontées à une réalité économique, sociale et morale défavorable. Aujourd'hui, sous le feu des critiques La méthode de la « date butoir », initiée avec succès par Jacques Delors au milieu des années 80 pour lancer le marché uni- que, montre aujourd'hui ses limites, voire ses dangers. Le « grand marché » a bien été lancé à la date fixée, le 1er janvier 1993, en pleine récession européenne. Déjà, l'idée lancée en 1989, alors que la croissance de la Communauté dépassait 3 %, se concrétisait au pire moment. Mais le calendrier de la monnaie unique, tel que défini à Maastricht fin 1991, après dix ans d'expansion et, coup du sort, à l'aube d'une nouvelle récession, est aujourd'hui sous le feu des critiques. Il avait déjà été écorné l'an dernier avec l'abandon officiel de la date de 1997 pour la monnaie unique - première « fenêtre » prévue dans le traité de l'union économique et monétaire (UEM). La deuxième et dernière « date butoir », le 1er janvier 1999, a certes été réaffirmée en décembre der- nier par les Quinze chefs d'Etat et de gouvernement réunis au Conseil européen de Madrid. Mais ce calendrier institutionnel semble toujours moins en phase avec celui du cycle conjoncturel en cours. Le volontarisme politique des Quinze demeure intact La nouvelle révision en baisse des prévisions de croissance en Allemagne, pays qui, incidemment, n'aura finalement pas rem-pli en 1995 les critères de finan-ces publiques retenus à Maastricht (lire ci-contre), jette une om- bre menaçante sur l'expansion française, actuellement moribonde. Si l'on en croit les dernières analyses de l'Insee, que l'on ne saurait taxer de pessimisme excessif, le PIB français ne croîtrait que de 0,7 % au premier semestre 1996, dont plus des deux tiers proviendraient des progrès des exportations de l'Hexagone, notamment vers l'Europe et, singulièrement, l'Allemagne. L'Insee table, pour justifier sa prévision, sur une croissance de 2,3 % outre-Rhin en 1996, permise par la reprise de la consommation privée, qui croîtrait de 2,7 %. Dans leur dernière livraison, les économistes de DIW, l'un des principaux instituts allemands, brossent un tableau conjoncturel nettement moins réjouissant : la croissance ne serait plus que de 1 %, du fait de l'avortement de la reprise espérée de la consommation. Si ce scénario du pire devait être le bon, il n'est nul besoin de modèles économétriques pour calculer ce qu'il resterait de l'expansion française l'an prochain... Et, comme tout se tient, il est certain que la potion fiscale du gouvernement Juppé pour 1996 ne suffirait pas, alors, à se rapprocher au rythme idoine des performances en matière de finances publiques exigées par le traité de Maastricht (un déficit des administrations centrales, systèmes sociaux inclus, inférieur à 3 % du PIB). D'autant que l'on peut compter sur l'Allemagne, jalouse de la qualité de sa monnaie, pour exercer un contrôle vigilant en la matière. Mais, en matière de cycle conjoncturel surtout, le pire n'est jamais sûr. Et le volontarisme politique des Quinze, tel qu'exprimé au Conseil européen de Madrid, demeure intact. Si les cycles économiques n'ont pas lu Maastricht, Helmut Kohl, lui, l'a voulu et entend s'y tenir. Jacques Chirac semble avoir, sur ce sujet, médité le message de son prédécesseur à l'Elysée, en répétant, ces derniers mois qu'il fallait appliquer « tout le traité, rien que le traité ». BORIS DURANDE
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