Miraculeuse réapparition de Boris Eltsine

Pour le dernier jour de la campagne électorale, Boris Eltsine est réapparu. Lors d'une brève allocution télévisée préenregistrée, le chef du Kremlin a appelé les électeurs à « voter pour la nouvelle Russie », en qualifiant le second tour de « choix le plus important ». Parlant d'une voix monocorde, ne portant aucune trace de l'extinction de voix qui était la raison officielle de sa disparition de la scène politique depuis mercredi dernier, Boris Eltsine a déclaré avoir « compris » le message de mécontentement exprimé par les électeurs communistes au premier tour, le 16 juin. « Cela suffit de diviser le pays entre rouges et blancs », a-t-il dit. « Je sais ce qu'il faut faire, a-t-il ajouté. Pour cela, il y a des forces, de la volonté, de la détermination. Maintenant, il faut votre soutien... Ensemble nous vaincrons. » La tonalité de ce discours rappelait fortement les déclarations faites la veille à l'agence Interfax. Mais le plus important de ce message n'était pas tant son contenu que le fait même qu'il ait pu être délivré. Car l'état de santé de Boris Eltsine, qui était parti « se reposer » ces trois derniers jours dans une résidence des environs de Moscou, suscitait de vives inquiétudes. Les médias avaient beau faire comme si de rien n'était, il apparaissait de plus en plus étrange que l'on n'entende plus Boris Eltsine, jusque-là omniprésent sur le petit écran. Guennadi Ziouganov, qui l'affrontera mercredi au second tour de scrutin, avait d'ailleurs jugé, hier matin, « très alarmante » la disparition du chef du Kremlin. « Le pays est dans une situation de pré-infarctus », avait-il déclaré dans une allusion aux problèmes cardiaques dont souffre Boris Eltsine. « J'ai une question légitime : pourquoi l'isole-t-on ? Pourquoi tout le monde se tait-il ? », avait-il lancé. L'allocution de Boris Eltsine, qui a été préenregistrée, n'apporte certes pas de réponse. Mais la deuxième apparition télévisée du chef du Kremlin a confirmé qu'il était bien sur pied. La télévision a en effet montré des images du président russe, filmées dans le même cadre, en train de discuter avec le Premier ministre, Viktor Tchernomyrdine, des résultats du G7 à Lyon. « Vous pensez que nous avons avancé vers le G8 », a-t-il demandé au chef du gouvernement, qui lui a répondu un « oui » convaincu. Evoquant, dans une conférence de presse, son entretien avec le président, Viktor Tchernomyrdine s'est de plus fait rassurant en déclarant, en riant, qu'il n'avait pas « remarqué » que le président ait pu avoir récemment une nouvelle attaque cardiaque, comme le suggérait un journaliste. « Il m'a serré la main si fort que, même si j'avais eu des doutes, ils auraient tous disparu », a-t-il commenté. Voilà donc de quoi couper court aux spéculations sur l'état de santé de Boris Eltsine, s'il n'y avait toutefois pas eu une nouvelle annulation d'une rencontre. Pourquoi donc, en effet, le président russe, s'il est vraiment en bonne santé, n'a-t-il pas rencontré, hier matin, ses homologues ukrainien et moldave ? Car il devait signer un document sur le règlement politique du conflit en Transdniestrie, cette région russophone de Moldavie, et confirmer ainsi la priorité qu'il dit attacher aux relations avec les pays de la CEI. De même, Boris Eltsine n'a toujours pas reçu, comme cela était prévu, Grigori Iavlinski, ce candidat de l'opposition démocratique qui avait recueilli 7,8 % des voix au premier tour. Le report de ces voix n'est pas totalement acquis au président sortant, Grigori Iavlinski s'étant borné à appeler ses électeurs à ne pas voter pour le candidat communiste, Guennadi Ziouganov. Or, Boris Eltsine le disait lui-même hier dans son message télévisé, « chaque voix sera décisive ». BRIGITTE BREUILLAC, À MOSCOU
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