Les atouts d'un mariage de raison

La fusion est décidée, reste à la traduire dans les faits. L'échéance initiale du 1er avril 1997 convenait à un rapprochement d'Air France Europe, l'ex-Air Inter, avec les activités européennes d'Air France, parce qu'il s'agissait de créer une nouvelle compagnie à partir du socle constitué par Air Inter, une entreprise distincte avec ses propres règles. L'affaire est maintenant tout autre. Car il s'agira, en fait, d'une fusion-absorption (même si ce dernier terme est rejeté par la direction qui cherche l'apaisement) dans laquelle les salariés de l'ex-Air Inter devront accepter les conditions d'emploi de leurs homologues d'Air France. Au vu de la complexité de l'opération, sans même évoquer les risques d'explosion sociale, la direction estime que ce nouveau processus ne sera véritablement mené à son terme qu'à l'automne 1997. En plus de l'imbroglio juridique et fiscal et de l'hétérogénéité des systèmes informatiques, le plus grand chantier sera évidemment social. Première difficulté, l'antagonisme viscéral qui oppose les deux compagnies. D'origines et de cultures différentes, l'une publique et soutenue par l'Etat, l'autre d'origine privée et fonctionnant sans subsides publics, l'une dans une situation financière qui fut proche du dépôt de bilan en 1993, l'autre jouissant de comptes plus ou moins équilibrés jusqu'à une date récente, les deux entreprises ne se comprennent pas. Les exemples abondent où Air France a été accusée de traiter Air Inter avec dédain. Deuxième difficulté, le personnel au sol. Outre la refonte des grilles salariales (certains cadres d'Air Inter se retrouveraient simples agents de maîtrise chez Air France), des suppressions d'emplois seront inévitables, en particulier dans les deux sièges sociaux. Troisième difficulté et non des moindres, la gestion des pilotes. Leur carrière est régie en partie par la liste de seigneurité. Résultat : les navigants techniques d'Air France vont voir arriver dans leurs effectifs des collègues d'Air Inter ayant une forte ancienneté et désireux d'accéder au long-courrier. Le président du SNPL (Syndicat national des pilotes de lignes), Geoffroy Bouvet, prévoit des conflits quand les collègues venus du court-courrier d'Air Inter passeront, après formation et nouvelle qualification, devant les navigants d'Air France. Le risque est d'autant plus réel que le long-courrier - plus prestigieux et moins fatiguant que le moyen-court-courrier pratiqué chez Air Inter - représente la voie royale pour tout pilote de ligne. Le tableau n'est pas tout noir pour autant. La fusion pourra s'appuyer sur quelques points forts. La plaque tournante de Roissy (hub), créée par Air France pour les correspondances moyen-courrier/long-courrier, débouche déjà sur un brassage d'intérêts, les deux compagnies alimentant mutuellement leurs vols, et leurs salariés s'y côtoyant et travaillant ensemble. Par ailleurs, le système de yield management (gestion informatisée de la recette unitaire) d'Air France servira aussi à optimiser les revenus des court-courriers de l'ex-Air Inter. P. M.
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