Justice défaite

Certains serviteurs de la justice ont parfois de leur mission une vision qui laisse les justiciables que nous sommes pantois. D'admiration pour leur indifférence au jugement de l'opinion. De surprise pour le mépris qu'ils paraissent nourrir à l'égard du droit le plus élémentaire. Les faits, dans l'affaire de l'appartement du fils de Jean Tibéri, le maire de Paris, étaient assez étranges pour que la lumière soit faite. Un magistrat intrépide en a décidé autrement. Classé ! Circulez, il n'y a plus rien à voir ! Soit. La justice en sort avec un bel oeil au beurre noir ; la corporation des magistrats hérite du soupçon infamant de servilité que l'immense majorité de ses membres ne mérite pas. Joli gâchis. Quel pouvoir n'a pas un jour ou l'autre confondu les magistrats du parquet avec les autres serviteurs de l'Etat, et comme tels voués à l'obéissance ? Après tout, notre Constitution n'est pas peu responsable de cette confusion puisqu'elle fait du président de la République le garant de l'indépendance de l'autorité judiciaire et du garde des Sceaux le véritable patron du corps des juges. C'était à l'évidence prendre un risque que de s'en remettre à un seul homme - un homme politique - pour user de cette autorité sans en abuser. Peut-être le législateur verra-t-il un jour la nécessité de repenser la loi fondamentale dans un sens qui mettrait les juges à l'abri des pressions politiques. Tant que ce ne sera pas fait, il faut se résigner à voir un ministre se comporter en homme de parti et donc à le voir utiliser, en cas de nécessité, tous les leviers à sa disposition pour défendre les intérêts de son camp. N'est-ce pas la nature même du combat politique ? Les beaux esprits qui veulent faire croire qu'on peut être à la fois ministre de la Justice et détaché des contingences partisanes font fausse route. Ils se trompent et ils trompent ceux qui les écoutent. Aucun des anciens occupants de la place Vendôme ne peut prétendre n'avoir jamais mis le doigt dans le pot de confiture. Sauf à avoir disposé - ce qui arrive hélas parfois - de collaborateurs suffisamment zélés pour devancer leurs désirs et le faire à leur place.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.