Lionel Jospin gêné par l'envol du chômage

Un mois jour pour jour après l'euphorie de la victoire, la publication du très mauvais chiffre du chômage en mai sonne définitivement la fin de l'état de grâce pour le gouvernement Jospin. Alors que le Premier ministre s'apprête à expliquer aujourd'hui devant le groupe socialiste de l'Assemblée les priorités de son action, pour répondre à l'impatience naissante des élus de la majorité, les statistiques inquiétantes publiées hier par le ministère du Travail viennent singulièrement lui compliquer la tâche. Après trois mois consécutifs de baisse, le nombre des demandeurs d'emploi a progressé de 1,1 % en mai, soit la plus forte hausse enregistrée depuis octobre 1993. Avec 32.400 chômeurs supplémentaires en un mois, la statistique officielle du chômage porte le nombre total des demandeurs d'emploi à 3.113.500. Selon l'ancien baromètre, qui intègre les personnes occupées à temps partiel mais qui recherchent un emploi à temps plein, la France compte 3.514.800 demandeurs d'emploi (voir ci-contre). Le taux de chômage au sens du BIT reste stable à 12,5 %. Des signaux inquiétants. La forte hausse de mai n'épargne aucune catégorie, mais touche plus particulièrement les hommes de 25 à 49 ans, qui subissent une progression du chômage de 1,5 %. Le chômage de longue durée s'aggrave aussi, en augmentation de 1,5 % sur un mois et de 9 % sur un an. Les experts soulignent aussi la chute brutale des « reprises d'emploi » en mai, en baisse de 9 %, redoutant qu'elle ne soit le signe précurseur d'une dégradation de l'embauche liée à une reprise de trop faible ampleur. L'inquiétude au sein du gouvernement est d'autant plus grande que le chiffre de mai aurait dû être encore plus catastrophique s'il n'avait pas bénéficié de la réforme du mode d'inscription des demandeurs d'emploi. Certes le gouvernement, comme à chaque changement de majorité, peut s'abriter temporaire- ment derrière l'argument de « l'héritage » puisque le chiffre de mai est le dernier imputable à la gestion d'Alain Juppé. Le premier secrétaire délégué du PS, François Hollande, n'a pas failli à l'usage en soulignant hier que « les socialistes héritent d'une situation extrêmement préoccupante », en commentant le mauvais résultat de mai. Promesses. Mais cet argument ne suffira guère à apaiser les tensions qui se font jour au sein de la majorité. Survenant après le sommet d'Amsterdam et l'annonce de la fermeture de l'usine de Vilvorde, la dégradation des chiffres du chômage ne peut qu'inciter les élus socialistes à rappeler au gouvernement les engagements de campagne, au premier rang desquels la promesse d'accorder la priorité absolue à l'emploi. Cette pression ne peut qu'embarrasser le Premier ministre qui, face au dérapage du déficit public, a depuis quelques jours clairement affiché sa volonté de respecter les engagements européens pour réaliser la monnaie unique. Contrairement aux engagements du Parti socialiste pendant la campagne, le gouvernement envisage de réduire les déficits publics dès 1997. Nul doute que cet objectif risque de provoquer des grincements de dents dans les rangs socialistes, qui vont se saisir des mauvais chiffres du chômage pour attaquer le gouvernement sur la nouvelle priorité accordée à la réduction des déficits. Priorité. Dès hier, Marc Blondel, le leader de FO, a donné le ton. « L'augmentation importante du chômage rend d'autant plus urgente une modification substantielle de la politique économique », a-t-il déclaré, en soulignant qu'« avec plus de 3,5 millions de chômeurs, la priorité ne peut être la réduction préalable des déficits publics et sociaux... » D. G.
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