Gouvernement d'entreprise : la révolution se fait attendre

On s'attendait à une révolution et nous avons assisté à une légère évolution des moeurs », estime, sévère, l'associé d'un grand cabinet d'audit, un an après la publication du rapport Viénot sur le gouvernemnt d'entreprise. Pourtant, le 10 juillet 1995, la publication des travaux d'un comité réuni à l'instigation de l'Association française des entreprises privées (Afep) sur le « Conseil d'administration des sociétés cotées » avait fait l'effet d'une bombe. Présidé par Marc Viénot, le président de la Société Générale, le groupe de travail a jeté un pavé dans la mare du capitalisme français. Le rapport formulait une série de recommandations, afin de renforcer le contrôle des administrateurs sur les entreprises, dans le souci de défendre les intérêts de tous les actionnaires. Pour améliorer la situation des entreprises à cet égard, Marc Viénot préconisait la création, au sein de chaque conseil, de comités d'audit, de rémunération, de sélection des administrateurs, et la nomination d'au moins deux administrateurs indépendants sans aucun lien avec l'entreprise. Le problème des participations croisées et des mandats Le rapport insistait aussi sur la nécessité de formaliser un code de bonne conduite dans une charte, de supprimer les participations croisées pour éviter la complaisance des administrateurs les uns envers les autres, et de limiter à cinq le nombre des mandats pour permettre à ceux qui siègent dans les conseils de travailler efficacement. Enfin, le rapport Viénot recommandait que chaque conseil informe les actionnaires, lors de l'assemblée générale annuelle, de l'existence des divers comités et du nombre de réunions qu'ils ont tenu dans l'année. Dans l'ensemble, les grandes entreprises se sont montrées disciplinées. Les sociétés qui entrent dans la composition de l'indice CAC 40 ont presque toutes créé les fameux comités prescrits par le rapport. La question qui se pose désormais est de savoir s'ils sont purement formels ou s'ils ont eu un réel impact sur le fonctionnement du conseil (voir ci-contre). Reste une autre interrogation : comment les entreprises parviendront-elles à dénouer leurs participations croisées alors que le marché français des capitaux est étroit. Un petit mouvement a commencé à se dessiner, mais il reste embryonnaire. Sur l'ensemble de ces propositions, Marc Viénot avait suggéré de faire un état des lieux au bout de trois ans. Mais beaucoup se demandent aujourd'hui si les pouvoirs publics interviendront pour imposer la pratique du gouvernement d'entreprise aux sociétés cotées. En effet, le jour même de la parution du rapport Viénot, le Premier ministre, au cours des journées Paris Europlace, avait déclaré : « Un premier bilan de la mise en oeuvre des propositions de Marc Viénot [..] peut être fait dans un an plutôt que dans trois comme il le suggère. » Et d'ajouter que si les progrès n'étaient pas suffisants, le« gouvernement pourrait alors se résoudre à reprendre sous une forme législative les principales propositions émises ». Le rapport Marini rendu fin juillet Comme on pouvait s'y attendre, les propos d'Alain Juppé ont soulevé un véritable tollé dans les milieux patronaux français, qui, depuis ce jour, ne cessent de répéter qu'ils sont opposés à l'intervention du Parlement sur le sujet. Matignon n'a pas lâché prise pour autant. Le 17 janvier 1996, Philippe Marini, sénateur RPR de l'Oise, a reçu une lettre de mission l'invitant à réfléchir sur une adaptation de la loi de 1966 sur le droit des sociétés. Pour les entreprises cotées, Alain Juppé souhaitait savoir si une intervention du législateur était justifiée dans trois domaines : le fonctionnement des organes d'administration, l'information des actionnaires, la responsabilité des administrateurs et des dirigeants sociaux. Philippe Marini va remettre les conclusions de ses travaux au Premier ministre à la fin du mois de juillet. On sait déjà que le sénateur est favorable à des mesures législatives pour faciliter le travail des associations d'actionnaires et la défense des intérêts de leurs adhérents. Il estime aussi que le « législateur pourrait délivrer quelques signaux en se montrant plus exigeant dans la limitation des mandats d'administrateur ». La balle sera bientôt dans le camp de Matignon, qui devra décider si une loi s'impose. Si tel est le cas, les partisans du libéralisme risquent de monter très vite au créneau pour dénoncer les méfaits de l'interventionnisme de l'Etat. Dominique Mariette
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