Des radios libres au libéralisme audiovisuel

Le vent de liberté qui accompagne l'élection de François Mitterrand fait basculer l'audiovisuel français dans la modernité. Le principe, posé par la loi du 29 juillet 1982, « la communication audiovisuelle est libre », touche les radios comme la télévision et promet un secteur audiovisuel affranchi de la tutelle de l'Etat. Très vite, pourtant, les futurs acteurs du PAF (paysage audiovisuel français) découvrent les contraintes d'un grand principe qui ne dessine pas encore les contours d'une nouvelle industrie libéralisée. Ainsi, les radios dites « libres » changent de statut pour devenir privées et faire l'objet d'une bataille commerciale acharnée. Au nom de cette liberté, des milliers de jeunes descendent dans les rues pour défendre la liberté d'expression. Autant de mouvements de revendications qui se transforment en une manifestation de soutien pour NRJ, aujourd'hui premier réseau commercial coté en Bourse. En quinze ans, le monde de la radio s'est concentré pour être contrôlé par trois groupes : l'indépendant NRJ, la CLT qui exploite RTL et Matra-Hachette propriétaire d'Europe 1. L'accession de François Mitterrand à la présidence de la République promettait aussi une télévision libérée de la tutelle de l'Etat, tant du point vu politique qu'économique. Promesse à moitié tenue. Les têtes de PDG des entreprises de l'audiovisuel public tombent, comme autant de symboles de l'ancien pouvoir. Les deux cohabitations viendront tempérer certaines ardeurs et normaliser ces pratiques. Malgré ces vieux réflexes, la télévision vit, entre 1984 et 1987, des heures décisives. Le secteur privé, intronisé par la loi de juillet 1982, fait une entrée controversée. Ainsi, fin 1985, le cinquième réseau hertzien est attribué à Silvio Berlusconi, que l'on dit proche des François Mitterrand et de son entourage. Ce sont les premiers pas de la télévision commerciale dans ce qu'elle a de plus exacerbée. Dans le même temps, une sixième chaîne naît, TV6, une télévision musicale destinée aux jeunes. Ces deux initiatives ne résisteront pas au marché, à l'alternance politique et aux ambiguïtés réglementaires. TV6 meure et devient M6 dont les principaux actionnaires sont toujours la Lyonnaise des Eaux et la Compagnie Luxembourgeoise de Télédiffusion. Quant à La Cinquième, elle passe sous le contrôle du tandem Berlusconi-Hersant, qui s'avérera incapable de la rentabiliser. Canal Plus, l'une des créatures élyséennes De la cohabitation sortira aussi la privatisation de la première chaîne attribuée au groupe Bouygues. Un processus enclenché par la loi Léotard, contre l'avis du président de la République. Le résultat est catastrophique pour La Cinq. Reprise par Jean-Luc Lagardère, elle cesse d'émettre en avril 1992. François Mitterrand commente ainsi ce fiasco : « Ceux qui ont souscrit le contrat de La Cinq savaient à quoi ils s'engageaient et ils se sont engagés plus qu'ils ne l'ont fait. » De ces bouleversements, TF1 et le groupe Bouygues sortiront vainqueurs. En revanche, Canal Plus ne doit rien à la cohabitation. La chaîne cryptée, née des ambitions d'André Rousselet, proche du président, peut être considérée comme l'une des créatures élyséennes. Les avantages qui lui ont été accordés par la loi lui permettront d'atteindre le succès qu'on lui connaît aujourd'hui. D'aucuns affirment encore que cette réussite à contribué au désastre financier d'un projet industriel surdimentionné : le plan câble lancé en 1982. D'autres choix technologiques coûteux émaneront du pouvoir, comme la filière satellitaire TDF1-TDF2. Dès son accession au pouvoir, François Mitterrand a donc initié un secteur audiovisuel moderne dont les contours portent encore les marques de l'apprentissage. Parmi les bases stables de l'héritage, subsiste l'existence d'une instance de régulation et Arte, une chaîne porteuse de sa vision européenne. Thierry Del Jésus
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