Sept ans pour aboutir

En avril 1997, lorsque les compagnies Air France et Air France Europe (l'ex-Air Inter) auront fusionné selon le schéma brossé hier à grands traits par leur président commun Christian Blanc, plus de sept ans se seront écoulés depuis le rachat d'UTA par la compagnie nationale. Créée en 1934 par Francis Fabre, président du groupe Chargeurs Réunis, sous le nom d'Aéromaritime, UTA restait la compagnie à abattre pour Air France obsédée par ce duel franco-français alors que la vraie concurrence se développait ail-leurs. Mais outre que la direction de la compagnie nationale ne supportait pas de voir l'autre jouir de sa rente de situation sur l'Afrique et la Nouvelle-Calédonie, elle s'indignait que les dirigeants d'UTA, et notamment René Lapautre, dernier PDG avant le rachat, puissent tout connaître de la stratégie concoctée par Air France et Air Inter. Car la première, qui avait longtemps délaissé les vols intérieurs, était contrainte de composer avec la seconde pour drainer les passagers au départ de province sur ses vols long-courriers au départ de Paris. Et UTA était, dans le capital d'Air Inter, à parité avec Air France. Aussi, lorsque Michel Rocard, alors Premier ministre, autorisa, dans la nuit du 11 au 12 janvier 1990, le président d'Air France Bernard Attali à conclure le rachat d'UTA pour quelque 7 milliards de francs avec Jérôme Seydoux, président du groupe Chargeurs, ce fut plus pour offrir à Air France une compagnie intérieure indispensable à sa stratégie que pour lui ouvrir le ciel africain. L'absorption d'UTA fut réalisée dans la douleur UTA devait l'apprendre bien vite à ses dépens. Le 23 septembre 1992, Bernard Attali annonçait son absorption par Air France, opération qui ne fut menée à son terme que dans la douleur. Cet épilogue était finalement logique, à défaut d'être attendu. En revanche, il ne fut jamais question qu'Air Inter subisse le même sort. Des assurances furent données : l'identité de la compagnie serait préservée. Mais il était évident que les deux compagnies ne suivraient jamais le même cap. Pour compenser l'ouverture future du marché domestique à la concurrence, Air Inter réclamait des droits de trafic sur l'Europe. Air France, qui voyait se profiler une nouvelle concurrence, se cabrait. Elle-même ne poursuivait qu'un objectif : amener Air Inter à travailler pour elle en multipliant sur Roissy les vols intérieurs en correspondance. La compagnie intérieure, soucieuse de ses prérogatives et intérêts propres, n'y consentit toujours que de mauvaise grâce. Elle préférait desservir à Paris la plate-forme d'Orly, faisant rager toute la direction d'Air France qui voyait les passagers d'Air Inter s'engouffrer ensuite dans les avions de ses concurrents américains notamment. Le tandem refusait de fonctionner, tant commercialement que techniquement. Succédant à Bernard Attali en octobre 1993 dans une ambiance électrique, Christian Blanc renouvela les promesses apaisantes quant à l'identité d'Air Inter. Pour ne pas déroger de cette ligne, il inventa un système compliqué qui devait souder l'activité des deux compagnies dans le prolongement l'une de l'autre, sans qu'aucune ne puisse avoir l'impression de disparaître au profit de l'autre. Ce fut le schéma d'une société holding chapeautant deux compagnies, l'une pour le court et moyen-courrier, l'autre pour le long-courrier. Sans que le mot fusion n'ait jamais été, dans un premier temps, employé. Pourtant, c'était bien le sens du schéma retenu, à une nuance près : la fusion n'était pas opérée entre Air Inter et Air France (plus importante et qui l'aurait absorbée comme elle l'avait fait d'UTA) mais entre Air Inter et les activités d'Air France en Europe. Une usine à gaz, mais aussi un trompe-l'oeil pour respecter les revendications identitaires des salariés de l'ex-Air Inter et faire accepter le montage. G. B.
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