« Le deuxième Français, après de Gaulle... » Par le général Wojciech Jaruzelski*

Le président Mitterrand fut un grand homme politique qui a énormément marqué la France et l'Europe, mais surtout, il était un grand ami de la Pologne. J'ai toujours dans ma mémoire notre entretien historique du 4 décembre 1985, lorsque le président Mitterrand a fait preuve de courage en me recevant à l'Elysée. Ce fut un véritable tournant dans nos relations non seulement avec la France mais avec tout l'Occident. Cette rencontre a permis à M. Mitterrand de mieux comprendre la situation en Pologne, intervenue à la suite de la proclamation de la loi martiale en décembre 1981. Grâce à l'entretien avec le président français, je me suis rendu compte de ce qu'attendait l'Occident de la part de la Pologne. Ma politique intérieure a ainsi pu changer. A l'époque, j'ai fait part à M. Mitterrand de mon inquiétude de voir baisser nos échanges économiques, alors que d'autres pays prenaient la place de la France. Ce gel des contacts des années 80 a porté un coup sévère à la pratique de la langue et de la civilisation française en Pologne. J'ai expliqué à M. Mitterrand que l'influence d'un pays auprès d'un autre est le résultat de sa présence économique. Une accélération des échanges ne s'est pas fait attendre. Nous les Polonais, nous lui devons beaucoup. C'est M. Mitterrand qui avait soutenu la participation de la Pologne à la conférence sur l'unité allemande (ndlr : RDA-RFA, France, Grande-Bretagne, Etats-Unis), en recevant en 1990 M. Tadeusz Mazowiecki (premier chef d'un gouvernement non communiste), et moi-même alors que j'étais président de la République. Avant que je ne le rencontre pour la première fois, les gens me disaient que c'était un homme caustique et très officiel. Or, il s'est vite avéré que François Mitterrand aimait à plaisanter, à sourire, qu'il était très cordial. Une fois, il m'a fait une immense surprise dans la nuit de la Saint-Sylvestre 1989, lorsqu'il m'a appelé pour me souhaiter une bonne année. Trois ans après, il m'a reçu en privé à l'Elysée, et s'intéressait vivement à la transition que vivait alors la Pologne (ndlr : à l'époque, M. Jaruzelski n'occupait plus aucune fonction officielle). Son décès constitue une grande perte pour la France et pour l'Europe. J'ose dire qu'il est le deuxième Français, après le général de Gaulle, à avoir fortement marqué l'Europe. * Président de la République polonaise de 1981 à 1990.
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