François Drouin : " L'endettement des ménages a atteint une limite, notamment pour les primo-accédants"

Partagez-vous l'inquiétude de la Banque centrale européenne et de la Banque de France sur le crédit immobilier ?Pour apprécier la situation d'un marché immobilier, il faut examiner l'évolution de deux indicateurs : la croissance de l'économie et la décélération des taux. Dans les pays où l'on observe à la fois une croissance forte du PIB et une baisse des taux, il y a explosion du prix des logements. C'est typiquement le cas de l'Espagne. Cela peut susciter des inquiétudes. En France, si les prix ont connu une croissance soutenue, elle a été moins marquée qu'en Espagne ou en Grande-Bretagne. Dans un contexte de croissance faible, c'est la baisse des taux qui a incité les Français à acheter et à payer plus pour leur logement. Mais du point de vue des niveaux d'endettement, nous avons clairement atteint une limite. En particulier pour les primo-accédants. Aujourd'hui, il n'y a plus trop de marge de manoeuvre...La situation actuelle comporte-t-elle un risque pour les ménages, et les banques ne portent-elles pas une part de responsabilité ?S'agissant des risques, je ne peux parler que pour le Crédit Foncier. Nous faisons très attention à leur évaluation et nous n'hésitons pas à refuser des dossiers. Quant aux pratiques des banques, on ne peut être que surpris de voir certains établissements proposer à des clients des prêts à taux fixe moins chers que ce qu'obtient l'État. C'est un phénomène largement répandu, et c'est de là que vient l'alerte de la Banque de France. Elle a interpellé les banquiers sur certaines pratiques. Le Crédit Foncier bénéfice quant à lui de son système de refinancement. Nous levons des capitaux sur les marchés mondiaux dans des conditions attractives, ce qui nous permet d'en faire profiter nos clients. Et nous ne faisons pas de crédit à perte.Comment restez-vous compétitifs dans ce contexte de concurrence acharnée ?Nous restons compétitifs grâce à notre mode de refinancement, et aussi parce que nous sommes un spécialiste qui peut offrir les produits le mieux adaptés. Par exemple, nous distribuons le prêt à taux zéro, ce que tout le monde ne fait pas, et nous l'incorporons dans le financement global du projet, afin de lisser les remboursements. C'est assez sophistiqué. Notre offre est élaborée également pour les investisseurs, c'est-à-dire ceux qui achètent pour louer. Enfin, autre avantage du Crédit Foncier : lorsqu'il accorde un prêt, il n'oblige pas le client à y domicilier son salaire. Notre activité reste soutenue. Au premier semestre, nous sommes à 3,8 milliards de prêts aux particuliers. Soit une hausse sensible par rapport à l'an dernier.Le gouvernement a créé de nouveaux produits de financements basés sur l'immobilier. Ont-ils rejoint votre gamme ?Le crédit hypothécaire rechargeable et le viager hypothécaire sont deux produits qui rendent plus liquides les biens immobiliers, c'est une bonne idée. Pour le premier, il subsiste le problème des taxes. Il est fondamental que ce nouveau crédit ne soit pas trop taxé car on ne recharge pas une hypothèque pour le plaisir. On a ici un souci car, si on n'abaisse pas les coûts d'enregistrement, ce produit reviendra plus cher que d'autres. Quant au viager hypothécaire, c'est un produit de niche qui intéresse une clientèle par définition plus âgée. Son marché est évalué, d'ici à 2010, à 1,8 milliard d'euros. Nous travaillons sur ces deux produits et nous proposerons une hypothèque rechargeable en septembreComment se passe l'intégration d'Entenial ?Nous avons fusionné il y a un an. Les réseaux sont intégrés, les personnels regroupés. Il nous reste encore à faire des fusions techniques, en particulier informatiques. Ce travail devrait être achevé fin 2007. Nous n'avons pas encore tiré tous les bénéfices de ce rapprochement. Nous gérons la question des effectifs, comme prévu, grâce aux départs en préretraite.Quels sont vos objectifs de rentabilité ?Aujourd'hui, notre coefficient d'exploitation est de 72 %. C'est déjà un important progrès. Notre objectif est d'être en dessous de 60 % en 2010 pour dépasser 200 millions d'euros de résultat net.Êtes-vous intéressés par une reprise du Crédit Immobilier de France ?Si le dossier vient sur le marché, nous le regarderons... Mais nous avons aussi des ambitions à l'international. Nous venons de créer un établissement au Portugal, Banco Primus, spécialisé dans la restructuration de crédits. Il décolle bien. Nous avons aussi établi une succursale à Bruxelles et, en septembre, nous serons présents à Londres pour développer une activité pour les non-résidents, c'est-à-dire les Britanniques qui achètent en France. Comme tout le monde, nos moyens ne sont pas infinis et il nous faut faire des choix dans nos projets.Le Crédit Foncier devait être intégré à Natixis, ce n'est maintenant plus le cas. Le regrettez-vous ?C'est une question d'organisation capitalistique. L'important est que nous fassions partie de l'ensemble Caisses d'Épargne- Banques Populaires qui porte le projet Natixis. Il existe des synergies, des partenariats à développer entre le pôle immobilier que nous sommes et Natixis, qui est peu présent dans ce secteur. Le fait que nous ne soyons pas imbriqués dans le dispositif capitalistique ne nous empêchera pas de développer des partenariats industriels.Certains, au sein des Caisses d'Épargne, trouvent que ce projet est trop coûteux pour le groupe. Est-ce votre avis ?Je ne connais pas l'économie fine de ce projet. Il est porteur d'avenir. Mais il est vrai qu'il correspond aussi à une évolution forte pour le monde des Caisses d'Épargne.Propos recueillis par Pascal Hénisse
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