Les ressources humaines au coeur de la réussite d'une fusion-acquisition

Après une baisse de 7,5 % en Europe lors du dernier trimestre, un regain de fusions est en train de toucher à nouveau le paysage européen. Il y a de moins en moins de fusions franco-françaises, notamment dans les domaines comme le pétrole, la distribution ou l'agroalimentaire. Les rachats s'orientent vers des secteurs plus pointus comme la bancassurance ou la communication. Les analystes conseillent la prudence. De nombreuses enquêtes effectuées sur les trois dernières années indiquent en effet que la moitié des fusions échouent. Les unes parce qu'elles détruisent de la valeur, les autres plus prosaïquement parce qu'elles sont mal préparées. Comme le révèle l'étude qualitative, conduite par le groupe BPI Médéric, menée en partenariat avec La Tribune auprès des membres du comité de direction des entreprises (*) et des managers intermédiaires, "les facteurs humains sont déterminants pour juger de la réussite d'une fusion".Respect de l'autre. Selon les managers interrogés, la personnalité des dirigeants, leur implication, seraient les tout premiers ingrédients du succès. Non moins importante est la présence d'une personne clé, au bon endroit, au bon moment. Chez Pernod-Ricard, il fait fonction de "gardien du temple". Enfin, pas de fusion réussie sans le respect de l'autre. La transparence des motifs, l'information des salariés et la tenue des engagements par le biais d'accords de méthode sont des éléments à manier avec précaution. Le contexte culturel dans lequel se déroule la fusion est également à ne pas négliger, disent les intéressés. "Rien ne sert de faire des plans financiers s'il n'y a pas d'audit en amont de la culture d'entreprise", précise l'étude.Ainsi, une entreprise peut tirer partie de l'invention d'une sorte de culture de métissage pour contrecarrer les éventuels préjugés nationaux. Les pratiques et styles de management, lorsqu'ils sont comparables, sont plus faciles à intégrer. En outre, le rapprochement de deux entreprises qui sont dans le même métier ou possèdent des activités complémentaires donne des résultats plus rapides que dans le cas d'entreprises de même pays qui ont peu de points communs. Tout le monde a en tête le succès du rachat de Kronenbourg par Scottish Newcastle. Les brasseurs alsaciens ont finalement trouvé heureux de se marier avec une brasserie partageant la même culture métier. Toutes ces conditions impliquent de surcroît une convergence de valeurs et une bonne connaissance de l'entreprise avec laquelle on se marie, jusque dans le non-dit, pensent les managers interrogés.Le 3e facteur de réussite est d'ordre social. Cette préoccupation est en générale sous-estimée par les dirigeants. Elle demeure un souci constant pour les DRH aux prises avec la gestion technique des rémunérations et des acquis sociaux, pas toujours faciles à maîtriser. "Un simple changement de mutuelle peut déclencher un tollé", précise Claude Renié, directeur des grandes entreprises chez Médéric.D'autres critères peuvent rentrer en ligne de compte. Une entreprise habituée à décentraliser est plus souple et possède une plus grande faculté d'intégration. Ce fut le cas, par exemple, lorsque Hachette a racheté Hatier. Lorsque la communication interne est antérieure à la fusion, avec un effet d'image de nature à accroître l'attractivité du groupe, le succès est favorable. La bonne réputation sociale de l'acheteur est à prendre en considération. Enfin l'entreprise doit être capable sur le plan commercial de dégager des succès rapides et consistants pour faire oublier les difficultés à traverser. Par exemple, en étant transparent sur les résultats immédiats.Le rôle des DRH. Cette étude note en conclusion qu'une "culture du rachat" est en train de se développer parmi les groupes ayant pratiqué des séries de fusions successives. "C'est bien évidemment la solution idéale, note Jean-Pierre Doly. Elle va demander du temps, de l'écoute et une volonté d'intelligence de part et d'autre. Mais en tout état de cause, il est illusoire de vouloir effacer l'empreinte identitaire de l'appartenance d'origine." L'existence de "kits d'intégration", l'intervention de collaborateurs spécialisés - les venture directors -, mais surtout le rôle accru des DRH témoignent de cette évolution. Les capital-risqueurs ne s'y trompent pas. Ces derniers intègrent en effet de plus en plus le facteur social dans leurs évaluations.Yan de Kerorguen(*) Résultats présentés le 7 avril, lors d'un débat présidé par Francis Mer, sur la base d'entretiens non directifs auprès de 60 dirigeants, DG, DAF, DRH, managers.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.