La justice précise les limites de la transaction entre employeur et salarié

Un arrêt du 8 juin de la Cour de cassation vient à point nommé rappeler aux employeurs la nécessité de peser chaque mot d'une transaction passée avec un salarié, pour régler les conséquences de la rupture du contrat de travail. "Les employeurs pensent trop souvent que, dès qu'un terme est mis à leur relation avec le salarié par une transaction, ce dernier n'a plus aucun droit, précise Viviane Stulz, avocate spécialisée en droit social chez Clifford Chance. Tel n'est pas le cas." Ainsi, beaucoup de dirigeants croient se protéger de tout conflit futur en se contentant d'une formule générale dans l'accord transactionnel, mentionnant que ce dernier met fin à tout litige résultant de la rupture du contrat de travail. Mais la réalité est différente.Dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du 8 juin, une transaction avait été signée entre une salariée licenciée pour motif économique et son employeur, précisant justement qu'elle mettait fin à tout litige né ou à naître de la signature, de l'exécution ou de la rupture du contrat de travail. Par la suite, la salariée demande - et obtient - néanmoins devant les tribunaux la condamnation de son ex-entreprise pour non-respect de la priorité de réembauchage. Pour la société, la transaction, en mentionnant qu'elle mettait fin à tout litige lié à la rupture du contrat de travail, devait pourtant la couvrir sur ce chapitre.Mais la Cour de cassation est claire : en l'absence de stipulation expresse dans la transaction, la salariée ne peut être considérée comme ayant renoncé à la priorité de réembauchage. "Cette décision est dans la droite ligne de la position classique de la Cour de cassation, confirme Viviane Stulz. La formule générale contenue dans les transactions ne vaut que pour ce qui a trait au litige réglé par celles-ci."Ainsi, si l'accord concerne un licenciement jugé abusif par le salarié, rien n'empêchera ce dernier de demander ensuite au juge le paiement d'heures supplémentaires par exemple. Si l'employeur veut aussi se protéger sur ce point, une clause particulière doit être insérée dans la transaction.La Cour de cassation précise également que la priorité de réembauchage était, lors de la signature de la transaction, un droit dont l'exercice était éventuel et auquel le salarié ne pouvait donc renoncer sauf stipulation expresse. "La priorité de réembauchage naît en effet seulement à la rupture du contrat de travail, explique Viviane Stulz. Or la transaction avait été signée pendant le préavis alors que le droit n'existait pas encore." Et on ne peut pas présumer la renonciation à un droit qui n'est pas encore né.Stratégie risquée. D'autres droits sont concernés par cette jurisprudence et doivent faire l'objet de mention particulière dans la transaction pour éviter tout litige ultérieur. Exemple : la clause de non-concurrence. Mais la transaction devant comporter des concessions réciproques pour être valable, beaucoup d'entreprises préfèrent éviter de multiplier ce type de clauses : la renonciation par le salarié à un droit fait en effet grimper le montant de l'indemnité transactionnelle. Certains employeurs préfèrent risquer un litige plutôt que de payer plus.Cette stratégie est toutefois difficile à suivre avec la priorité de réembauchage sur laquelle le salarié licencié économique est de toute façon informé. Autre sujet qui pourrait monter : le droit individuel à la formation (DIF), qui peut encore être demandé pendant le préavis. "Si aucune clause particulière n'est prévue sur ce point et que la transaction est signée avant le préavis, un litige est possible", met en garde Viviane Stulz.Alexandra Petrovic
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