La compétition mondiale des brevets encourage l'innovation

Tous les indicateurs l'attestent : la France perd du terrain en matière d'innovation. Le ratio français dépenses R&D/PIB est insuffisant. Mais, surtout, l'effort de recherche et développement (R&D) privé est trop limité. Cette faiblesse représente la première cause du nombre insuffisant de dépôts de brevets d'origine française. Cette question est à l'ordre du jour des 5es Rencontres internationales de la propriété industrielle, organisées par la CNCPI (Compagnie nationale des conseils en propriété industrielle), où la Chine (*) est à l'honneur. Et la tendance n'est pas favorable. L'Hexagone, et plus généralement l'Europe, est confronté à une stratégie de dépôts massifs de brevets mise en oeuvre par les entreprises américaines et à une pous- sée très forte de la part des Japonais, des Coréens et des Chinois. Sur les 10 premiers déposants de PCT ("patent cooperation treaty"), il n'y aucune entreprise française, mais quatre allemandes, deux américaines et deux japonaises. Selon une étude de Premier Cercle, seuls 9 % des vingt-cinq plus gros déposants auprès de l'Office européen de brevets (OEB) sont des entreprises de l'UE, dont deux français, Thomson et L'Oréal.Prendre conscience. "La R&D se délocalise de plus en plus en Chine et en Inde, au détriment de la France, explique Christian Derambure, président du CNCPI. Ces pays et d'autres ne sont plus seulement les "usines du monde", mais peuvent légitimement prétendre nous challenger sur le terrain de la créativité et de l'innovation. Il est important de prendre conscience du point auquel ces pays intègrent la propriété industrielle dans leurs plans de développement. Leur flexibilité et leur détermination justifient notre propre adaptation." Toujours selon Premier Cercle, l'analyse comparée des classements en France, en Allemagne et en Grande-Bretagne montre que les plus gros déposants industriels de brevets sont les hautes technologies (incluant les télécoms), l'automobile (incluant les équipementiers), et, dans une moindre mesure, la pharmacie et les biotechs (incluant les cosmétiques). Premier déposant de brevet en France (516) devant Renault (483) et Volvo (339), L'Oréal est trente-cinquième déposant en Allemagne.Pour Christian Derambure, la propriété industrielle est un outil propre à favoriser l'innovation. Et, en conséquence, elle est une réponse à la compétition. "Devant faire face à plus de brevets concurrents gênants, les entreprises sont obligées de mener une stratégie préventive et défensive plus élaborée et adaptée. Elles doivent innover davantage, se protéger plus et mieux. Un brevet, une marque ou un modèle déposé ne confèrent pas un droit d'exploitation. Cela donne le droit d'interdire aux tiers d'exploiter. C'est pourquoi il est très important que les entreprises s'assurent que toute exploitation qu'elles envisagent est libre de droits de PI de concurrents."Encore faut-il que le système judiciaire français soit mobilisé à son tour. Il est souvent critiqué par nombre d'entreprises qui ont pourtant veillé à se protéger. Elles lui reprochent ses délais et le niveau insuffisant des dommages et intérêts en cas de contrefaçon. L'enjeu est d'autant plus important que protéger sa marque et son savoir-faire est aussi nécessaire pour faire face aux pays montants, comme la Chine, qui ne s'embarrassent pas toujours des précautions légales. C'est donc la crédibilité du système de la propriété industrielle qui est en cause. De fait, elle est de plus en plus sur le devant de la scène. Pour nombre de sociétés, elle devient un fondement de la communication d'entreprise. La propriété industrielle est un facteur fédérateur dans la culture d'entreprise, en même temps qu'elle accrédite une stratégie fondée sur la compétition par la différenciation et l'innovation. Le brevet joue donc un rôle majeur dans la réussite économique. La diminution de son coût n'a pas encore fourni la possibilité aux entreprises françaises d'être concurrentielles avec celles des autres pays.Conserver des monopoles. Contrairement à ce que l'on pourrait penser, nombre de PME, bien qu'elles soient encore mal outillées pour se défendre, se montrent de plus en plus soucieuses de mener une politique de propriété industrielle adaptée à leurs besoins et leurs moyens. "Le brevet permet aux PME, face aux grandes entreprises, de conserver des monopoles là où elles ont innové", précise Christian Derambure. 43 % des PME-PMI ayant répondu à une enquête (255 réponses) de l'Irpi (Institut de recherche sur la propriété industrielle) ont dé- posé un ou plusieurs titres de PI, marque, brevet, dessin, ce qui n'est pas négligeable. Sur ces 43 %, qui représentent 110 réponses, un peu moins de deux PME-PMI sur cinq ont choisi, en plus de la France, de disposer d'une couverture européenne de leurs droits de propriété industrielle. Les deux tiers ont mis en avant le caractère défensif de leur action : protection contre la concurrence, contre la contrefaçon. Un peu plus d'un tiers ont cité la valorisation économique du produit ou du service comme motivation importante. Sur les 57 % des responsables interrogés (145 entreprises) qui ont déclaré ne pas avoir déposé de titres de propriété industrielle, la majeure partie le font par désintérêt, la procédure étant selon eux trop éloignée du type d'activité qu'ils exercent.Yan de Kerorguen(*) Les 24 et 25 octobre prochain au Palais des Congrès de Paris.Les clés de la propriété industrielle0,5 euro par jour : c'est le coût d'enregistrement d'une marque.2 euros par jour : c'est le coût d'un dépôt de brevet et de son maintien en vigueur sur vingt ans.43 % des dirigeants de PME ont effectué un dépot de propriété industrielle, dont 74 % sur une ou plusieurs marques, 42 % sur un ou plusieurs brevets, 28 % sur un ou plusieurs modèles.Source : Irpi, enquête auprès de 255 PME.
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