Comment tirer profit des clients insatisfaits

Comment l'entreprise peut-elle tirer profit des conflits avec ses clients ? Comment transformer ces "râleurs" en ambassadeurs de la marque... Ces questions qui taraudent bon nombre de décideurs ne sont pas anodines. Car la plainte aurait une valeur économique. C'est en tout cas la conviction de Jean-Charles Chebat, professeur à HEC Montréal, qui a mené des recherches dans ce domaine. "Il faudrait presque encourager les entreprises à payer les clients pour qu'ils se plaignent", argue l'intéressé, pour qui les conflits sont une excellente source d'apprentissage pour l'entreprise. C'est une réalité : deux clients insatisfaits sur trois ne se plaignent pas, freinés par la complexité du dispositif à mettre en oeuvre. Ces mécontents ne sont pas pour autant passifs. Ils racontent avec force détails leurs mésaventures à leurs proches, ce qui nuit tout autant à l'image de l'entreprise. À entendre Jean-Charles Chebat, il faudrait donc former les employés à écouter le client et leur donner l'autonomie suffisante pour gérer le problème in situ. Résoudre un conflit par un dédommagement financier n'est pas forcément la solution idéale relève l'expert, car "l'argent montre que l'entreprise est coupable". En revanche, les excuses seraient l'instrument le plus efficace pour satisfaire les mécontents, car elles témoignent d'un véritable respect de l'usager. Chez Accor, la gestion des conflits n'est pas prise à la légère. Certes, la directrice des services clientèle Chantal Tryer, qui est aussi la présidente de l'Amarc (Association pour le management de la réclamation client) a évalué précisément le ratio coût/satisfaction du client. "Un client fidèle a une durée de vie de 10 ans chez nous. Il consomme en moyenne 5 à 10 nuitées par an. Je peux très facilement estimer son retour sur investissement", plaide l'intéressée. Fort de ce constat, le groupe hôtelier a instauré une gestion des conflits en deux temps, avec une première étape sur le terrain et une deuxième étape au siège. "Chez Ibis, nous avons mis en place le contrat 15 minutes. Autrement dit les équipes ont un quart d'heure pour résoudre un problème. Les employés ont beaucoup d'autonomie, y compris la possibilité de rembourser immédiatement le client", souligne Chantal Tryer. Les plaintes des adeptes des Formule 1 seront en revanche traitées par courrier. Ils recevront une réponse sous 24 heures avec le plus souvent un bon pour une nuit gratuite. "Les conflits doivent être résolus sur le terrain avec une politique spécifique à chaque enseigne. Une fois que le client a quitté l'hôtel, c'est trop tard. Nous l'avons perdu", insiste la directrice des services clientèle. Effectivement, seulement 5 % des usagers formulent une réclamation au siège. Pour "récupérer" ces insatisfaits, Chantal Tryer a une méthode : l'étonnement. "Je dois détecter leurs attentes et les enchanter par la réponse que je leur fais." Pour y parvenir, la présidente de l'Amarc n'hésite pas à inviter des spécialistes "générationnels", à l'instar de Jean-Luc Excousseau, venu débattre récemment sur les bobos ("bourgeois bohèmes") ou les cocos ("collectifs concrets"). "On ne répond pas à un client de 50 ans comme à un individu de 30 ans. Les trentenaires ont une approche très contractuelle de l'entreprise. Ils s'insurgent si la promesse de la marque n'a pas été respectée", relève Chantal Tryer qui souhaite donc transformer "les pépins en pépites", selon le credo de l'Amarc. Sandrine L'HerminierDes barrières virtuellesCertains secteurs d'activités à l'instar des opérateurs télécoms ou des fournisseurs d'accès Internet n'hésitent pas à mettre en place des clauses contractuelles souvent peu lisibles pour éviter que les clients ne partent à la concurrence. Coûts de transferts de dossiers, coûts d'apprentissage pour le client... sont autant de barrières qui contraignent les insatisfaits à rester. "Ethique et profit sont complémentaires", rappelle Jean-Charles Chebat, professeur à HEC Montréal, qui invite certaines entreprises à plus de transparence dans la relation client.
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