L'action collective, nouvelle arme contre les pratiques anticoncurrentielles

Le débat ne fait que commencer. La Commission européenne a mis en ligne vendredi les premières contributions sur son livre vert relatif aux actions en réparations contre les entreprises coupables de pratiques anticoncurrentielles. En France, plusieurs organismes ont tenu à participer : chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), Medef, CLCV (association Consommation logement et cadre de vie)... Mais aussi, fait plus inhabituel, la Cour de cassation. Et le consensus est loin d'être acquis, certaines questions posées par le livre vert renvoyant à des intérêts contradictoires. Ainsi, sur l'opportunité de mettre en place des actions collectives (class actions), les contributions françaises renvoient au débat national en cours : CCIP et Medef y sont hostiles, la CLCV est pour. De son côté, la Cour de cassation reste sur la réserve, même si son premier président, Guy Canivet, y est favorable (voir "La Tribune" du 16 mai 2006).Faciliter les recours. L'objectif de la Commission européenne est de faciliter les recours en dommages et intérêts de ceux s'estimant lésés par des comportements contraires au droit de la concurrence et de renforcer le caractère dissuasif des dispositions communautaires réprimant les ententes et autres pratiques concertées. C'est aux législateurs nationaux de définir des procédures adéquates en l'absence de règles communautaires. Mais "ce domaine du droit est caractérisé dans les 25 États membres par un total sous-développement", constate le livre vert. En France notamment, les condamnations sont rares : le lien de causalité direct entre faute et préjudice subi est apprécié strictement par le juge. Pour la Cour de cassation, un socle juridique commun aux États membres est donc indispensable pour "éviter un forum shopping".Le livre vert ouvre des pistes pour faciliter l'accès à la preuve de la personne demandant réparation. Par exemple, obliger chaque partie à fournir aux autres la liste des documents pertinents en sa possession. Le Medef et la CCIP sont hostiles à ce dispositif de type discovery américaine. "Ce système est extrêmement dangereux, car il comporte un risque non négligeable de détournement par un concurrent aux fins d'avoir accès à des informations confidentielles ou à des secrets d'affaires", prévient le Medef. Une position non partagée par la CLCV : "Nous sommes pour un allégement de la preuve en cas de déficit d'informations pour le requérant lorsqu'il s'agit d'un consommateur ou d'une petite entreprise."Medef et CCIP insistent en tout état de cause sur la nécessité de garder confidentielles les demandes de clémence d'entreprises membres d'un cartel et venant dénoncer celui-ci contre une réduction ou une suppression d'amende. Si celles-ci risquent après d'être traînées devant les tribunaux civils, l'efficacité des programmes de clémence en souffrirait. Le président du Conseil de la concurrence français, Bruno Lasserre, a déjà appelé à une nécessaire articulation entre clémence et actions civiles pour que la première reste attractive. La Cour de cassation résume le débat : "Savoir si la clémence doit réduire le risque d'action civile mérite une balance des intérêts en présence."Sur un autre point, la CLCV estime que la preuve d'une infraction au droit de la concurrence doit être suffisante. Établir l'existence d'une faute ne serait donc plus nécessaire pour pouvoir obtenir des dommages et intérêts. En clair, selon la Cour de cassation, la preuve de l'infraction devrait suffire. Une idée que rejette le monde patronal. Car derrière cette question se joue en grande partie celle de l'évaluation des dommages et intérêts.Convergences. Sur ce sujet, la Cour de cassation est favorable à l'élaboration de lignes directrices pour fixer le montant de la réparation. Une idée rejetée par le Medef, mais pas par la CCIP, qui y voit la possibilité pour le juge de bénéficier d'une vision d'ensemble. Les deux se rejoignent en revanche pour s'opposer à un doublement des dommages et intérêts en cas d'ententes horizontales, à l'image des "punitive damages" américains. Seul le préjudice réellement subi doit être indemnisé, comme aujourd'hui. Et le consensus n'est pas loin pour une fois puisque la CLCV elle-même ne retient pas l'idée sauf cas de récidive.Frédéric Hastings et Alexandra Petrovic
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