Inventions : la loi précise la notion de propriété

Selon l'Institut national de la propriété industrielle (Inpi), environ 90 % des inventions brevetées sont le fait d'inventeurs salariés. La propriété de ces inventions est strictement encadrée par la loi. Mais en pratique, il est rarement facile de savoir si l'invention est attribuable à l'employeur ou si au contraire le salarié en reste le plein propriétaire. À cette difficulté vient, le cas échéant, s'ajouter celle de savoir selon quelles modalités et de combien l'employeur doit en rémunérer l'auteur. Pour répondre à ces questions, l'article L. 611-7 du Code de la propriété intellectuelle évoque trois cas de figure.Premier cas, la mission inventive : l'invention a été découverte par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail, qui comporte une "mission inventive", ou dans l'exécution d'études et de recherches qui lui ont été explicitement confiées. "C'est la situation dans laquelle le salarié a été embauché pour faire de la recherche et du développement, explique Alexandra Néri, avocate associée du cabinet Herbert Smith Paris, en charge du département droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies. Si cette mission était clairement décrite dans son contrat de travail, alors cette invention, dite "de mission", appartient à l'employeur. À charge pour ce dernier d'allouer au salarié une rémunération supplémentaire dont les conditions sont déterminées par les conventions collectives, les accords d'entreprise et les contrats individuels de travail." Sur le plan du montant, cette rémunération peut être proportionnelle à la valeur de l'invention, et non au salaire habituel du salarié. La Cour de cassation l'a admis le 21 novembre 2000 dans une affaire où l'inventeur a perçu 4 millions de francs pour une nouvelle application dans la lutte contre le cancer de la prostate.Deuxième cas de figure, la mission attribuable : inventer ne faisait pas partie de la mission du salarié, mais il a tout de même fait une découverte et pour cela, il s'est servi de connaissances qu'il a acquises dans l'entreprise, ou bien de techniques ou de données procurées par l'entreprise. "Dans ce cas-là, l'invention est attribuable à l'employeur", poursuit Alexandra Néri. Et de citer l'exemple du chef du service informatique qui, pour son plaisir personnel, met au point un logiciel pendant ses heures de travail. Il n'a pas été embauché pour créer ce logiciel, mais pour y arriver, il a utilisé des techniques ou des moyens spécifiques à l'entreprise. "Son employeur peut donc en revendiquer la propriété ou la jouissance, à la double condition de le faire dans les quatre mois et d'en verser à son salarié le juste prix." Toute la difficulté étant alors de savoir ce qu'il faut entendre par là. Les magistrats statuent ici au cas par cas. "Pour fixer ce juste prix, la jurisprudence prend en compte trois critères : quelle est la part du salarié dans la composition de l'invention ? L'entreprise a-t-elle contribué à la découverte, par la fourniture des moyens nécessaires à l'invention ? Et enfin quelle est l'uti- lité industrielle et commerciale de l'invention ?" résume l'avocate. Sur le plan des modalités, les juges ont admis qu'il pouvait s'agir d'une somme forfaitaire, mais aussi d'une redevance fixée par rapport au chiffre d'affaires dégagé grâce à l'invention.Rappel de la Cour de cassation. Enfin, dernier cas : toutes les autres inventions qui appartiennent à l'inventeur, poursuit l'article L. 611-7. C'est le troisième cas de figure. Et c'est également le principe, auquel seule la loi, et non un règlement intérieur, par exemple, peut déroger. C'est ce que vient de rappeler la Cour de cassation, le 26 avril dernier. L'inventeur n'étant ni salarié, ni agent public, mais stagiaire au CNRS, il était resté propriétaire de son invention. Et le fait qu'il ait signé - de surcroît après la découverte - un règlement intérieur l'en dépossédant au profit du CNRS n'a eu aucune incidence.Caroline Mazodie
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