Les nanotechnologies en butte au principe de précaution

Aujourd'hui, 45 sociétés produisent dans le monde plus de 500 tonnes de nanotubes de carbone (NTC) aux multiples usages : renfort pour les pneus ou les freins de voitures, raquettes de tennis, écrans plats... De même, les oxydes de titane nanostructurés sont produits en masse comme revêtement anti-UV (les Japonais en mettent plein leurs peintures) ou pour les crèmes cosmétiques. Ces nanoproduits sont mis sur le marché comme de banals "graphites de synthèse" ou "blanchissants". Mais que se passera-t-il quand les freins relargueront des poussières de nanotubes ou que l'on décapera les murs enduits d'oxydes de titane ? Que sait-on de leurs effets toxiques ? Pratiquement rien, nous disent les toxicologues. Les investigations témoignent de résultats variables (souvent inflammation des poumons en cas d'inhalation de NTC) du fait d'une grande disparité des produits. Cette cacophonie risque d'être explosive. Le 30 juin, lors des onzièmes Rencontres du réseau national santé environnement (Rise) consacrées aux nanotechnologies, William Dab, ancien directeur de la Santé, n'a pas hésité à avouer : "En l'absence d'autorité régulatrice, nous sommes en train de fabriquer une catastrophe." Mais une mobilisation générale s'amorce, avec avalanche de rapports attendus (CNRS, CCNE, Afsset...). Premier du genre, le Comité de la prévention et de la précaution (CPP) a présenté hier son dossier "Nanotechnologies, nanoparticules : quels dangers, quels risques ?" en présence de Nelly Olin, ministre déléguée à l'Écologie et au Développement durable. Le leitmotiv de ce rapport est l'ignorance sur les effets sanitaires, et la nature exacte des nanoparticules fabriquées. En revanche, on sait qu'"elles ont une réactivité particulière liée à leur petite taille [...], réactivité qui peut constituer un danger pour l'homme" par la respiration, l'ingestion ou par la peau. Malgré ce constat, ces poudres ultrafines sont produites en masse, sans savoir si l'on ne répète pas, avec elles, les menaces de l'amiante.Observatoire sociétal. Face à ce risque et au vide normatif et réglementaire, pour les fabricants, c'est aussi la cacophonie. Arkema équipe son site de Lacq d'une enceinte confinée avec opérateurs en scaphandre, alors que NanoCyl en Belgique n'utilise ni masque ni gants ! Dans un tel contexte, les recommandations du CPP semblent timides. Le confinement est demandé pour protéger les chercheurs et producteurs, ainsi que le filtrage de l'air et le conditionnement des déchets. Sur le plan réglementaire, le CPP préconise un "traitement spécifiques des nanoparticules", selon un principe d'évaluation systématique et non leur assimilation à la simple miniaturisation de substances. Il recommande un étiquetage des produits contenant des nanoparticules.En revanche, le dernier volet des préconisations est majeur. Il prône un "observatoire sociétal" pour cerner l'utilité sociale des nanotechnologies, les bénéfices qui "seront à mettre systématiquement en rapport avec les risques". "C'est seulement si l'on parvient à réaliser une évaluation intégrée des risques en considérant aussi les enjeux sociétaux, éthiques, légaux que l'on pourra éviter le décrochage des industriels qui craignent le scénario des OGM, argumente Françoise Roure, au ministère de l'Industrie et des Finances. Le grand débat public national sur les nanotechnologies annoncé par Dominique de Villepin peut être l'occasion d'un foisonnement d'initiatives." Et Nelly Olin détient le pouvoir de saisir la Commission nationale du débat public (CNDP) sur ce "nanomonde" controversé.
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