Le libéralisme et ses métamorphoses

Quiconque voudrait rédiger, sur le mode swiftien, des "instructions aux hommes politiques de France" devrait faire figurer en bonne place la nécessaire dénonciation du mot "libéralisme" de préférence "ultra" sans laquelle toute carrière est d'avance ruinée dans l'Hexagone. En revanche, aux États-Unis, le "libéral" désigne plutôt le social-démocrate, mâtiné de gauchisme et épris de "progressisme". C'est ce paradoxe que cherche à expliquer le philo-sophe Alain Laurent, dans un essai intitulé le Libéralisme américain, et sous-titré fort à propos Histoire d'un détournement.Décrivant minutieusement les moments historiques et les acteurs de ce détournement, l'auteur n'en fait pas moins oeuvre de philosophe, polémiquant à l'occasion avec certains théoriciens qui repeignent leurs idées aux couleurs libérales, opérant par-là une trahison de l'idée initiale. Ainsi en va-t-il de la volonté d'importation de ce libéralisme à l'américaine sur le Vieux Continent afin de renouveler une social-démocratie en panne.Réhabilitation. S'appuyant sur les textes fondateurs, Alain Laurent rappelle "que si effectivement le libéralisme n'est pas d'abord une apologie du libre marché, en revanche il consiste avant tout en une critique drastique de l'État, de l'extension indéfinie de son emprise sur la société et de sa propension à toujours plus réduire la liberté des individus".Une réhabilitation du libéralisme classique que l'on trouvera aujourd'hui chez ceux qui se définissent comme "libertariens" et autres "néolibéraux", et qui malgré certaines différences ont pour point commun de stigmatiser l'influence croissante du rôle de l'État dans la vie du citoyen.On pourra lire en utile complément le livre de Bertrand Lemennicier, professeur d'économie à l'université de Paris-Assas, qui montre combien l'économie, dénoncée comme apologie de l'immoralisme, relève de la fausse évidence. Avec les exemples de l'avortement, de l'usage des drogues, de la privatisation des rues ou encore de la transplantation d'organes, l'auteur prend à rebrousse-poil les opinions communes à travers une argumentation claire et précise. Un essai stimulant et original.Robert Jules"Le Libéralisme américain" d'Alain Laurent. Les Belles Lettres, 272 pages, 21 euros."La Morale face à l'économie" de Bertrand Lemennicier. Éditions d'Organisation, 288 pages, 24 euros.
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