Les cartes de la criminalité

Il faudrait commencer à lire par la fin le livre Géographie de la France criminelle. En page 266, deux cartes, bâties à partir d'identiques données statistiques. L'une d'elles, dite échelle à deux classes, montre une France d'une tranquillité angélique. L'autre, dite à dix classes inversées, dévoile un pays ravagé par des hordes qui volent et qui tuent. Un clin d'oeil bien dans la manière de l'auteur, Alain Bauer, criminologue et président du conseil d'orientation de l'Observatoire national de la délinquance, créé à la suite du rapport de deux députés, l'un RPR et l'autre PS.Un clin d'oeil qui montre les sables mouvants sur lesquels sont construits les rituels débats enflammés sur la criminalité en France. Un clin d'oeil pour montrer l'objet de ce livre brillant : dépassionner les débats sur la police en mettant en avant les outils, inconnus en France, de la géographie criminelle, afin de réfléchir sérieusement aux enjeux de la sécurité du citoyen.Efficacité maximale. L'auteur prend un malin plaisir, à l'aide de 500 cartes, à déconstruire nombre d'idées reçues. Non, ce ne sont pas les étrangers, ni les pauvres, ni les jeunes, non plus que les... non-sportifs qui sont destinés au crime, par on ne sait quelle malédiction. Une fois le terrain déblayé et les esprits à peu près clairs, il montre, inspiré par l'école de la cartographie criminelle américaine, l'usage de ces cartes. En spatialisant les mouvements habituels des criminels, le pouvoir politique peut alors décider où et quand employer quelles polices dans quelles circonstances afin d'en obtenir l'efficacité maximale. Dans ce contexte, la géographie criminelle acquiert alors le statut d'outil puissant de mesure de la performance policière. Un euro investi en salaire policier est alors vraiment rentabilisé. Que de conservatismes remis en cause...Mais l'ouvrage d'Alain Bauer s'inscrit dans un contexte favorable. La police n'est objet d'études universitaires que depuis le début des années 90. Auparavant, protecteur du régime en place, elle oeuvrait dans le secret et l'opprobre. Depuis, reconnue comme protectrice du citoyen, elle doit donc faire l'objet d'un débat public. C'est l'objectif de l'auteur, mais beaucoup reste à faire pour y parvenir.Pascal Junghans"Géographie de la France criminelle", par Alain Bauer. Odile Jacob, Paris,279 pages, 29 euros.
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