Cinq idées reçues sur le private equity

Le phénomène est sans précédent : déjà présents dans plus de 4.000 entreprises françaises, les spécialistes du private equity (fonds d'investissements non cotés en Bourse) ont réalisé pour plus de 150 milliards de dollars de transactions sur le Vieux Continent l'année dernière. Originaire du monde anglo-saxon, cette pratique réveille chez nous les vieux réflexes de défense et de patriotisme. Ces réactions sont alimentées non seulement par la taille gigantesque des "jumbo deals", mais aussi par bon nombre d'idées reçues. En voici cinq auxquelles il convient de tordre le cou sans plus attendre.1) Le private equity détruit des emplois. Faux. Selon une étude récente de l'Evca (association européenne des investisseurs en capital-risque), les effectifs des entreprises financées par des fonds d'investissement privés ont progressé de 5,4 % par an en moyenne sur la période 2000-2004, ce qui représente la bagatelle de 1 million d'emplois créés dans les pays de l'Union européenne !Certes, il s'agit surtout d'emplois hautement qualifiés. Faut-il le regretter ? Sûrement pas, car, dans la compétition désormais féroce avec les économies émergentes (Chine, Inde...), la vieille Europe ne s'en sortira qu'en jouant la carte des activités à forte valeur ajoutée, donc en misant sur les compétences de haut niveau... en cela le private equity est un puissant allié.2) Le private equity est le royau-me du gigantisme. Faux. Le coeur du marché européen (plus de 60 % des deals) reste les LBO de taille moyenne où plus d'une trentaine d'acteurs de dimension internationale (plusieurs centaines à l'échelon national) se livrent une concurrence féroce... tant mieux pour les chefs d'entreprise qui savent s'en servir pour négocier. La France est un bon exemple de cette tendance : les opérations "mid cap" (entre 160 millions et 1,6 milliard d'euros) y ont franchi la barre des 20 milliards d'euros l'année dernière, soit un quasi-doublement par rapport à 2004.Les entreprises plus petites ne sont pas oubliées pour autant. En effet, les investissements en fonds propres dans des PME en croissance réalisés par des acteurs français du non-coté ont bondi de 75 % au premier semestre 2005 (derniers chiffres communiqués), pour dépasser les 400 millions d'euros.3) Le private equity est le cheval de Troie des Américains en Europe. Faux. Les fonds d'investissements américains présents en Europe ne sont pas là pour piller nos pépites technologiques mais pour stimuler la productivité des entreprises auxquelles ils croient. Par ailleurs, les spécialistes européens du secteur n'ont rien à envier à leurs homologues d'outre-Atlantique, avec lesquels ils se sentent à l'aise et sur un pied d'égalité. Un exemple ? Wendel Investissement, le fonds contrôlé par la famille d'Ernest-Antoine Seillière, se félicite aujourd'hui d'avoir fait alliance en 2002 avec l'américain KKR dans le LBO sur Legrand, une opération de 3,7 milliards d'euros à l'époque : quatre ans plus tard, au moment de son retour en Bourse, la valeur du spécialiste du matériel électrique a progressé de 40 %, et, loin d'avoir été pillées, ses ressources en recherche-développement n'ont cessé d'être renforcées... en France.4) Le private equity est un "jackpot" assuré. Faux. Seuls les véritables spécialistes, comme les fondations, les fonds de fonds ou encore les "family offices", accèdent aux plus haut niveaux de performance, soit 20 % à 30 % de retour sur investissement. Les banques d'affaires "généralistes" ont plus de difficultés à placer la barre aussi haut, et surtout à l'y maintenir dans la durée... tout en demandant à leurs clients des commissions nettement plus élevées !Ceux qui voient cette classe d'actifs comme une caverne d'Ali Baba dans laquelle il suffit de puiser doivent aussi comprendre qu'elle comporte un risque bien spécifique : celui de la non-liquidité. En effet, un investisseur qui entre sur ce marché doit être prêt à bloquer sa mise de fonds pendant au moins cinq ans, un effort qui fait reculer beaucoup de candidats au profit rapide.5) Les spécialistes du private equity sont des spéculateurs, pas des gestionnaires. Faux. Après avoir vérifié l'adéquation entre le management et les objectifs de l'entreprise, les fonds de private equity vont tout faire pour soutenir l'équipe dirigeante associée au capital, y compris sur les terrains de la stratégie, des ressources humaines et de la production. Les professionnels de ce secteur sont de plus en plus souvent des stratèges et des opérationnels, non de purs financiers. Serge Weinberg, qui a créé son propre fonds d'investissement après avoir cédé les rênes de PPR, en fournit un bon exemple.Non cotés en Bourse, les fonds peuvent supporter des pertes pendant plusieurs années sans s'attirer les foudres des marchés financiers lorsque le redressement d'une entreprise s'avère plus long et plus complexe que prévu. Or le temps est ce qui manque le plus aux industriels d'aujourd'hui.
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