"Le réveil pourrait être douloureux pour certains établissements"

On sent une certaine tension entre les écoles de gestion. En tant qu'ancien directeur d'HEC puis président du Chapitre des grandes écoles de management et organisateur de la fusion entre deux grandes écoles, l'ESCP et l'EAP, comment expliquez-vous cette guerre ?- Le climat actuel de l'enseignement supérieur est à l'hyperconcurrence au niveau mondial. Une offre surabondante et de qualité hétérogène opacifie le "marché" pour les étudiants. C'est particulièrement le cas de ceux qui souhaitent faire un MBA. La réputation d'excellence, à juste titre ou pas, des business schools américaines continue à attirer certains des meilleurs étudiants. Les universités créent des mastères calqués sur ceux des écoles de management dont certains sont d'une réelle qualité. Des écoles de grande valeur se développent en Inde, en Chine ou en Amérique du Sud. Bref, les bons candidats ont le choix entre des offres internationales multiples. Les "petites" écoles s'affolent pour remplir leurs classes. Elles se battent pour exister et ne sélectionnent plus. Tout cela se déroule dans un contexte où les établissements français ne disposent pas de budgets suffisants pour rester aux standards internationaux, notamment en matière de recherche. Les leur fournir relève d'un débat de société.Comment pourrait alors évoluer le paysage des grandes écoles de gestion ?- Nous vivons probablement un moment clé de l'histoire des grandes écoles de gestion. Les directeurs d'écoles se rendent compte seulement aujourd'hui que leurs établissements vont évoluer comme l'ont fait les grandes entreprises. Ils vont se partager en trois groupes. Un premier groupe d'institutions généralistes identifiées par "une enseigne mondiale", à même de produire de la recherche, des connaissances reconnues sur le plan international. Elles devraient être une quinzaine en Europe, autant aux Etats-Unis, plus quatre ou cinq en Asie. Certaines existent déjà, d'autres vont naître par la voie des alliances stratégiques, voire des rachats internationaux. Un deuxième groupe sera formé d'écoles installées dans des niches et proposant un produit mondial avec un avantage concurrentiel distinctif fondé sur un savoir-faire et une marque. Un troisième groupe comprendra des écoles n'ayant pas les moyens de produire des connaissances et ne travaillant qu'avec le marché local. Cela, nous le savons tous. Mais certains fuient devant les responsabilités et continuent à se positionner comme des généralistes, par exemple au travers de leur offre de programmes. Le réveil pourrait être douloureux.Dans ce contexte, comment se positionne votre établissement ?- Lors de la fusion entre l'Ecole supérieure de commerce de Paris et l'EAP en 1999, nous avons mis en oeuvre une stratégie de développement claire pour les années 2000 à 2006. A côté de ceux qui veulent rester dans le modèle traditionnel de la grande école à la française, à côté de ceux qui transforment tout en MBA, nous avons choisi une voie résolument européenne dont je peux dire, aujourd'hui, qu'elle a rencontré le succès. Elle est fondée sur un dispositif multipolaire de cinq campus en Europe (Paris, Londres, Berlin, Madrid, Turin), un recrutement véritablement international et un enseignement transculturel. Aujourd'hui nos étudiants sont pour 50 % Français et pour 50 % internationaux, représentant 88 nationalités différentes, tout en restant très exigeants sur nos conditions de sélectivité.Propos recueillis par P. J.
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