L'absence de règles universellement reconnues

L'expansion de la finance islamique se heurte à deux difficultés. La première tient à l'absence de règles universellement reconnues sur ce qui est autorisé par la charia (hallal) et ce qui relève de l'interdit (haram). Les pays du Golfe et la Malaisie représentent les terreaux de prédilection de ce nouveau marché, mais, d'un pays à l'autre, la pratique varie. Parce que la religion repose sur l'interprétation de textes (le Coran, la Sunna) et de pratiques historiques, elle suppose une part d'humanité et donc des variantes dans les traductions. Des hommes, experts de l'islam, expriment leur avis (fatwa) sur tel ou tel produit financier. Or, comme l'explique l'un d'entre eux, le cheikh Nizam Yaqubi, "la loi islamique ne repose pas sur un système rigide. Elle tolère des opinions différentes, et donc de la variété dans les détails. Toute personne compétente peut donner son opinion."Divergences. Ainsi, les experts divergent sur la possibilité pour un banquier de financer le voyage à La Mecque (l'un des cinq piliers de l'islam) d'un client qui n'en n'a pas les moyens, alors que l'endettement est considéré comme un péril par la religion. Certains interprètes estiment que, en fonction de l'âge et des revenus futurs du client, emprunter est possible. Pour le professeur Mohammed Daub Bakar, président de l'International Institute of Islamic Finance, "si vous n'avez pas l'argent pour financer ce voyage, n'empruntez pas". Le même type de variantes concerne le financement des dépenses médicales. Autre exemple, cité par Khalid Yousaf, directeur de la finance islamique au Dubai International Financial Centrer (DIFC), "en matière de murabaha (montage qui permet de faire l'équivalent d'un crédit. NDLR), il existe cinq définitions différentes selon les écoles".En outre, d'un pays à l'autre, les organisations varient. En Malaisie ou au Pakistan, un conseil d'experts au niveau de l'État fixe les règles applicables par tous les établissements financiers. Ce qui n'empêche pas la Malaisie d'être considérée par les pays du Golfe comme "permissive". Chez ces derniers, chaque établissement a son propre système d'interprétation : soit dans le cadre d'un groupe d'experts religieux reconnus qui intervient ponctuellement, soit par le recrutement de spécialistes.Instaurer des standards. Au niveau international, l'Islamic Financial Services Board (ISFB), né en 2002 en Malaisie, est une instance de régulation qui tente d'instaurer des standards ayant vocation à être repris par les banques, les marchés de capitaux et l'assurance. Par ailleurs, l'Accounting and Auditing Organisation for Islamic Financial Institutions (AAOIFI) a des objectifs similaires en matière de comptabilité et d'audit. De son côté, le General Council for Islamic Banks and Financial Institutions (GCIBFI), basé à Bahreïn, a répertorié 6.000 fatwas financières.Dans ce contexte, la finance islamique s'expose à un nouveau risque : le manque de spécialistes de la charia. Aujourd'hui, une poignée d'experts intervient un peu partout, mais ils ne sont pas assez nombreux face à une demande exponentielle. Or former suffisamment de spécialistes ayant la double compétence, religieuse et financière, est une étape qui nécessitera plusieurs années.G. L. S.
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