Medef : l'ouverture selon Laurence Parisot

Surtout ne fumez pas, la présidente ne tolère plus le tabac." Même les appariteurs du siège du Medef, avenue Bosquet à Paris, ont pu constater le changement. Dans le hall d'entrée, les volutes des cigares patronaux, jusqu'ici tolérés, ont donc cédé la place à des parterres de plantes vertes. Tout un symbole. Élue dans un fauteuil à la tête de l'organisation patronale le 5 juillet, Laurence Parisot, quarante-six ans, présidente de l'Ifop, va présider aujourd'hui sa première assemblée générale du Medef. Certainement une occasion pour elle de faire un premier point sur le travail accompli depuis cinq mois. Et des changements, il y en a eu, notamment dans l'organisation du Medef. D'autres sont encore à l'état d'esquisse. Car à peine élue, Laurence Parisot s'est tout de suite employée à afficher une différence de ton - moins provocateur - avec son prédécesseur, Ernest-Antoine Seillière. "Ne vous y trompez pas, note l'un de ses proches, la nouvelle présidente est peut-être davantage "low style" mais, comme Ernest-Antoine Seillière, elle sait durcir le ton dès que les intérêts des entreprises sont menacés." Pierre Fonlupt, membre du conseil exécutif et président de Plus Intérim, confirme : "Ernest-Antoine et Laurence ont les mêmes convictions, certes la façon de les exprimer est différente." Georges Drouin, membre du bureau du Medef et président du Groupement des professions de services, qui a largement participé à son élection, ne dit pas autre chose : "Laurence Parisot est une femme de combat. Il ne faut pas sous-estimer sa capacité à s'adapter s'il le faut." On l'a vu dernièrement. La présidente n'a pas hésité à qualifier de "simpliste" le projet de Jacques Chirac de basculer sur la valeur ajoutée une fraction des cotisations sociales patronales. Il n'en reste pas moins que la patronne du Medef a érigé l'"ouverture" en véritable credo. Sa grande idée reste de "réconcilier les Français avec l'entreprise". Non par philanthropie, bien sûr, mais davantage pour mieux "irriguer" les valeurs "entrepreneuriales", selon les termes d'un de ses proches. Elle s'est ainsi fixé le défi "d'aller à la rencontre des acteurs qui sont, a priori, les plus éloignés de nous". Sous-entendu, le monde de l'enseignement, les artistes, les magistrats, etc. Pour ce faire, de nombreux intellectuels ou représentants du monde associatif sont venus partager des croissants avec Laurence Parisot avenue Bosquet, notamment Martin Hirsch, président de la fondation Emmaüs. "En fait, elle finalise la réforme inachevée du CNPF, qui consistait à mieux faire coller le nouveau Medef à la société", explique Georges Drouin. Volonté de dialogue Et pour asseoir cette volonté de dialogue, Laurence Parisot a créé au sein du Medef trois commissions "grands chantiers" aux compétences transversales : "entreprise et société", "dialogue économique", "nouvelles générations". Cette ouverture peut aussi servir les intérêts du Medef. "On obtient plus pour les entreprises en étant plus ouvert et moins agressif, souligne un membre du conseil exécutif. Par exemple, en étant moins arrogant envers le gouvernement, on a obtenu davantage de modifications dans le projet de budget 2006 que les années précédentes. Nous avons réussi à faire repousser certains amendements revenant sur les allégements de charges sociales. Et, plus à la marge, nous avons aussi fait sauter la disposition qui limitait à 50 par an le nombre de repas d'affaires que les employeurs pouvaient déduire de l'impôt." L'ouverture encore quand Laurence Parisot a mis fin au "G4", ce groupe informel qui se réunissait régulièrement autour d'Ernest-Antoine Seillière pour décider des actions du Medef. En revanche, elle a réhabilité le bureau du Medef, une instance tombée en désuétude. Ce bureau réunit deux fois par mois une quinzaine de représentants des territoires et des grandes fédérations. Laurence Parisot a aussi renoué avec les anciennes commissions thématiques. Elle a placé à leur tête de nouvelles têtes comme le président de Poweo, Charles Beigbeder (commission "recherche et innovation") et le président du groupe Abeil (literie), Hugues-Arnaud Mayer (commission "développement des territoires"), deux de ses anciens rivaux dans la course à la présidence. Elle n'a pas hésité non plus à "débarquer" Guillaume Sarkozy de la commission "protection sociale" pour le remplacer par Jean-René Buisson, président des industries agroalimentaires, qui l'avaient soutenue. Des instances féminiséesOuverture enfin, avec sa décision de lancer, avant même la crise des banlieues, une négociation avec les syndicats sur la diversité. Un dossier confié à Cathy Kopp, la DRH du groupe Accor. Celle-ci n'est d'ailleurs pas la seule femme à prendre des responsabilités importantes au sein du Medef. Car Laurence Parisot s'est aussi employée à féminiser les instances. D'où l'émergence de ce que l'on commence à appeler une "girl team" : l'énarque Véronique Morali qui s'occupe du dialogue économique, la normalienne et présidente du directoire du Printemps, Laurence Danon, qui planche sur les "nouvelles générations" et, bien sûr, Cathy Kopp. Mais il faut ajouter aussi Anne Lauvergeon, présidente d'Areva et ancienne sherpa de François Mitterrand, qui fait son entrée aujourd'hui au conseil exécutif, au titre des "personnalités qualifiées". Bref, la présidente consolide les fondations de sa présidence avant de passer réellement à l'action. Alors, bien évidemment, ces changements ne se passent pas sans accrocs. "Surtout que Laurence Parisot est encore peu familière des batailles d'appareil", concède un membre du conseil exécutif. Pour preuve, la récente affaire de l'Unedic. Ayant, peut-être avec un peu de précipitation, annoncé qu'elle s'opposerait à toute hausse des cotisations chômage, Laurence Parisot s'est trouvée un temps en porte-à-faux avec son négociateur, Denis Gautier-Sauvagnac (UIMM), et d'autres responsables de fédérations, le bâtiment notamment. Au-delà du Medef, l'attitude de Laurence Parisot a aussi heurté Jean-François Roubaud, président de la CGPME. Ceux-ci étaient prêts, pour des raisons tactiques, à lâcher aux syndicats une hausse de la cotisation chômage de 0,1 %. Querelle d'appareil Après un conseil exécutif assez tendu, le 12 décembre, puis une réunion du bureau, les esprits se sont calmés... l'augmentation de la cotisation patronale se limitant à 0,04 point. "Ce montant est très symbolique, explique un dirigeant patronal. Il est plus proche de zéro que du 0,1 point souhaité par certains." Mais, au-delà, cet épisode est-il annonciateur d'une guerre de tranchées avec l'UIMM (métallurgie), dont Laurence Parisot n'était pas la candidate à la présidence du Medef ? "Il est clair que l'UIMM veut continuer à faire la pluie et le beau temps au Medef. Il y avait déjà eu des combats de ce genre sous l'ère Gattaz [président du CNPF de 1981 à 1986]", note un cacique du Medef. "Il n'y a rien de revanchard dans l'attitude de la métallurgie, je ne crois pas à la stratégie de la déstabilisation", tempère un autre. Une chose est sûre, Laurence Parisot devrait méditer l'adage : "Protégez-moi de mes amis, mes ennemis je m'en charge." Jean-Christophe Chanut
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