Le nouvel ordre économique de Poutine

Le nouvel ordre économique russe est en place. Finis les éclats oligarchiques, oubliée la crise financière de 1998 lors de laquelle l'État a fait défaut sur une dette de 40 milliards de dollars. Six ans après son arrivée au pouvoir, Vladimir Poutine a radicalement changé le paysage économique en bâtissant une verticale du pouvoir que ne conteste plus personne, ni baron d'industrie ni aucun oligarque, aussi riche soit-il.Juste après son élection en 2000, Vladimir Poutine a profité de l'anarchie créée par les luttes entre clans oligarchiques pour énoncer de nouvelles règles, promettant de "placer tous les oligarques à équidistance du Kremlin". Il a commencé par sévir contre Vladimir Goussinski, dont l'empire médiatique tonne trop souvent contre le Kremlin, puis contre Boris Berezovski, qui appartient au sérail, mais se fait trop envahissant. Les deux oligarques fuient le pays et perdent la plupart de leurs actifs. Contre des garanties sur lesquelles on ne reviendra pas sur les douteuses privatisations, les autres ont alors décidé de jouer le jeu du Kremlin. L'affaire Ioukos, en 2003, signale qu'une nouvelle liste d'interdits vient d'être dressée par le Kremlin. Il est désormais hors de question, comme l'a fait Mikhaïl Khodorkovski, de financer l'opposition, de détenir des médias critiquant le Kremlin, de vendre d'importants actifs à des étrangers sans obtenir l'autorisation préalable du président et de bloquer les projets de loi du Kremlin au Parlement. Moitié effrayés, moitié satisfaits de voir un rival mordre la poussière, les autres oligarques ne mouftent pas.Oligarques richissimes. Vladimir Poutine parvient ainsi à liquider toute forme de contre-pouvoir, qu'il soit de nature économique ou politique. Mais les oligarques n'ont pas à s'en plaindre : la stabilité leur permet de profiter au maximum de l'envolée du cours des matières premières. Leurs fortunes combinées augmentent au rythme de 20 % par an et certaines comme celles de Roman Abramovitch ou d'Oleg Deripaska (respectivement 18 et 12 milliards de dollars) rejoignent les plus importantes du monde. Le chef de l'État réussit à contenir le pillage de l'économie russe par les oligarques de l'ère Eltsine et, en tacticien adroit, redirige leurs appétits vers l'expansion internationale, qui sert mieux l'ambition de puissance du Kremlin. Pour tenir en respect l'insolente richesse des pétroliers privés, le Kremlin maintient fermement son monopole sur les exportations de pétrole en torpillant tous les projets d'oléoducs privés. Ce qui lui permet de contrôler les gigantesques flux financiers générés par les exportations de brut, qui sont lourdement taxées. Les caisses de l'État se remplissent et rétablissent considérablement son prestige et son autorité.Entreprises d'État hégémoniques. Le second axiome du président russe consiste à redonner aux entreprises d'État l'hégémonie qu'elles avaient perdue. À commencer par Gazprom, dont les réserves - les plus importantes du monde - rendent la société absolument stratégique. Parant au plus pressé, Vladimir Poutine bloque dès 2000 l'hémorragie de Gazprom, dont la direction peu scrupuleuse privatise les actifs en douce dans son propre intérêt. Il place un homme de confiance à sa tête (Alexeï Miller - voir portrait) et reprend la majorité au capital de Gazprom avec l'objectif d'en faire son principal atout dans la sphère économique (voir article ci-contre). Le modeste et très endetté pétrolier d'État Rosneft n'est pas en reste. Dirigé par des proches du président, il récupère pour une bagatelle le principal actif de Ioukos et triple de taille. Désormais, Gazprom et Rosneft ont le vent en poupe. À eux deux, ils contrôlent un tiers du pétrole russe, 90 % du gaz et mettent la main sur pratiquement tous les nouveaux gisements d'hydrocarbures.Vladimir Poutine n'oublie pas l'industrie russe sinistrée et inapte à la concurrence globale. Refusant de la voir disparaître ou tomber entre les mains de multinationales, il projette en douce depuis plusieurs mois de renationaliser les entreprises les plus stratégiques en les plaçant sous la tutelle de RosOboronExport (voir article), champion du complexe industrialo-militaire national. Le nouvel ordre économique fondé par Vladimir Poutine a donc provoqué une énième redistribution de la propriété. Or, s'il n'est plus uniquement entre les mains des oligarques, le pouvoir économique reste toujours extrêmement concentré et par conséquent vulnérable aux changements politiques. La présidentielle de 2008 pourrait y mettre un terme.
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