Le retour du lobby militaro-industriel

Le Kremlin n'en est pas encore à remilitariser son industrie, mais il en prend le chemin. Pourquoi sinon pousser le monopole d'État des exportations militaires russes RosOboronExport (ROE) à infiltrer massivement le tissu industriel national ? Il est vrai qu'avec ses 6 milliards de dollars encaissés en 2005 (un record postsoviétique) et un carnet de commandes de 17 milliards de dollars, le grand champion du complexe militaro-industriel russe en a les moyens. Ses avions de chasse Soukhoï et MIG continuent de très bien se vendre en Asie, et trouvent même des nouveaux clients en Algérie et au Venezuela.Fort de ses ressources financières et de l'appui intangible du Kremlin, ROE est sorti du bois fin juin pour annoncer pour la première fois publiquement ses ambitions. Sa direction a affirmé qu'elle sera bientôt partie prenante dans tous les holdings industriels importants du pays, qu'ils soient liés ou non à l'industrie de défense. Le monopole souhaite ainsi siéger dans tous les conseils d'administration et prendre des minorités de blocage voire des parts majoritaires dans chacun d'entre eux. Officiellement, son objectif est de contrôler l'exécution des contrats d'exportation et la qualité des produits, indique le patron de ROE, Sergueï Tchemezov. Sceptiques, les experts y voient plutôt un prétexte voilant le but véritable de ROE, qui serait avant tout de contrôler les flux financiers des entreprises en question.Renationalisations masquées. Depuis quelques mois, ROE s'est fait le champion des renationalisations masquées et son expansion impressionnante n'est pas passée inaperçue. En décembre dernier, ROE a beaucoup surpris en prenant le contrôle du plus gros constructeur automobile du pays, AvtoVAZ (connu chez nous pour ses Lada). Les patrons de ROE n'ont en effet aucune expérience dans l'automobile et leur expertise dans l'exportation n'est que marginalement utile à un constructeur dont même les Russes se détournent. ROE convoite désormais une minorité de blocage dans le n° 1 mondial du titane VSMPO-Avisma, chez lequel Airbus et Boeing achètent respectivement 55 % et 30 % de leur titane. Significativement, les actionnaires actuels résistent, craignant de voir les commandes militaires prendre le dessus sur les clients étrangers.
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