Tioumen, l'eldorado énergétique

Située à 1.700 km à l'est de Moscou, aux portes de la Sibérie, Tioumen est devenue en quelques années la capitale russe du pétrole : 91 % du gaz et 67 % du pétrole russes sont produits dans cette immense région administrative qui s'étend au-delà des montagnes de l'Oural ! Résultat, les 570.000 habitants de la métropole régionale affichent le plus haut salaire nominal moyen du pays avec 700 dollars. Un chiffre de 135 % supérieur à la moyenne nationale... mais somme toute encore très modeste si l'on songe aux dizaines de milliards de dollars générés chaque année par l'exploitation des hydrocarbures. 6 % des ressources mondiales gisent en effet dans le sous-sol local sans que les flots de pétrodollars donnent à Tioumen des airs de Dubaï sibérien.Difficultés de recrutement. Certes, les entreprises de BTP ne chôment pas, au contraire, mais elles ne semblent pas devoir changer de sitôt le visage de la capitale russe du pétrole. Quelques vieilles demeures de bois orné, typiquement sibériennes, enjolivent un centre-ville dominé par des bâtiments administratifs ternes et des blocs d'habitation bétonnés à la hâte et franchement hideux.Mais comme ailleurs en Russie, le boom de la consommation est visible. Incidemment, le président de Carrefour, Luc Vandevelde, a choisi Tioumen parmi les villes de sa tournée russe pour annoncer le 18 juin dernier l'intérêt du n° 2 mondial de la grande distribution pour le pays. La presse russe rapporte qu'Auchan a longuement hésité à ouvrir une surface à Tioumen avant de se désengager faute d'accord avec un partenaire local. Metro y a déjà ouvert un hypermarché et Ikea construit actuellement le sien en plein centre-ville. Autre signe de prospérité, la proportion de voitures neuves étrangères et la qualité des routes. "Nos ventes ont augmenté de 100 % cette année", se félicite Alexander Efremov, directeur d'un concessionnaire Peugeot à Tioumen. "Nous avons d'excellentes routes dans la région et leur qualité s'améliore constamment. À quoi bon sinon acheter une Peugeot ? Avec les routes que l'on avait auparavant, il fallait soit un bon 4x4 soit une mauvaise Lada."Tandis que la population russe décroît globalement, la région de Tioumen affiche un bilan démographique positif, notamment grâce à une immigration venue des anciens satellites soviétiques d'Asie centrale. Malgré cela, les difficultés de recrutement s'accentuent. "C'est la guerre pour trouver des employés, témoigne Alexander Efremov. Actuellement il y a trois offres pour un demandeur. Et les sociétés moscovites qui viennent pour tirer profit du boom de la consommation paient beaucoup mieux que les locaux." Patron de Geoleader, une société de services informatiques dans le domaine géophysique qui travaille avec Rosneft, Daniel Duguet confirme l'inflation subite : "Un changement radical a eu lieu avec comme inconvénients l'augmentation démentielle des salaires, une accessibilité inattendue du crédit qui a entraîné des augmentations impensables du coût du logement à l'achat et à la location."Investissements en hausse. Les investissements directs étrangers augmentent constamment depuis 2001 et hissent la région au 3e rang fédéral après Moscou et Sakhaline (autre région pétrolière). Tous les grands groupes pétroliers russes y ont installé leur base arrière dans d'imposants édifices : Gazprom, Loukoil, TNK-BP, Rosneft, Ioukos, Sourgout, etc. Le franco-américain Schlumberger est présent depuis longtemps dans cette région où il fournit ses services et ses équipements à pratiquement tous les pétroliers russes. L'affaire Ioukos, qui a vu le pétrolier d'État Rosneft reprendre cavalièrement son actif principal, a jeté en 2004 un froid dans la région, mais tous aujourd'hui en minimisent les effets. "Les contrats avec Ioukos sont passés sous la nouvelle structure et les travaux continuent", temporise Daniel Duguet.Quid des rapports avec l'administration locale ? Alexandre Efremov explique ses bons rapports avec l'administration locale. "Si nous n'avons pas de problèmes, c'est parce que le frère du propriétaire est député au Parlement régional", témoigne-t-il d'un air candide. Le bouclier politique a remplacé la kricha ("le toit", soit la protection mafieuse). Mais tout le monde n'a pas la chance d'être français ou d'avoir un frère député...
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.