Rostov la rebelle rentre dans le rang

À1.345 kilomètres au sud de Moscou, à l'embouchure de la mer d'Azov et au pied du Caucase, Rostov-sur-le-Don fut longtemps surnommée "la capitale du crime", mais offre aujourd'hui un visage bon enfant. "Depuis 2000, les racketteurs ont commencé à légaliser leurs activités", raconte Konstantin Matsanov, patron d'un holding familial chapeautant plusieurs concession- naires automobiles. Autrefois centre commerçant d'une région agri- cole, lourdement industrialisée à l'époque soviétique et conséquemment sinistrée, Rostov goûte depuis peu au boom économique. Matsanov y va de son explication : "Le mécanisme est très simple : les racketteurs ont blanchi massivement leur argent en l'investissant dans des sociétés. Personne ne leur pose de questions sur l'origine de l'argent, surtout s'ils ont le bras long. C'est dans l'intérêt de l'État qui veut voir l'économie criminelle diminuer. Et les racketteurs ont désormais trop d'argent pour continuer à prendre des risques avec la loi. Ils ont trop à perdre c'est pourquoi ils cherchent à se transformer en hommes d'affaires respectables.""Le niveau de vie a clairement augmenté depuis six ans", explique de son côté Majdi Nasrallah, un ingénieur jordanien qui dirige la branche rostovienne de Gerico, une société de BTP à capitaux français implantée depuis 1995 dans la région. "Nous payons à présent des salaires deux fois plus élevés." Malgré tout, le recrutement reste probléma- tique. "Nous avons du mal à trouver de bons managers. Très souvent nous constatons un manque de moti- vation qui n'est pas lié au niveau de salaire. Et surtout, il est rare de tomber sur des gens honnêtes. Sou- vent nos vendeurs tentent de s'arranger avec les acheteurs pour toucher directement des commissions auprès d'eux." Ici plus qu'ailleurs, le sec- teur BTP est véreux. Le ministre russe du Développement régional, Vladimir Iakovlev, a reconnu au mois de juin que les pots-de-vin constituaient 30 % du coût des constructions. Et les autorités n'ont pas tendance à exagérer ces chiffres peu flatteurs.Transition lente. Ce sont les mentalités qui changent le plus lentement. La tran- sition, lente et pénible, est loin d'être achevée. "Ce qui a consi- dérablement facilité notre implanta- tion, c'est de trouver de bons avocats qui nous ont aidés dans le processus complexe d'obtention de licences et d'enregistrement de la société, explique Nasrallah. Il y a deux possibilités : soit vous avez de bonnes relations avec l'administration, soit vous avez beaucoup d'argent. Sur ce point, peu de choses ont changé depuis six ans."Beaucoup de blagues rostoviennes s'inspirent du fait que le commissariat fait face au cirque municipal dans l'artère principale. "La dernière fois que nous avons eu des problèmes, c'était il y a trois ans avec les clowns de l'Obep (brigade de lutte contre les crimes économiques), se souvient Matsanov. Le commissaire local est venu nous chercher des noises. Il a fait une descente et saisi toute la comptabilité. J'ai cherché à sa- voir qui était derrière. On s'est adressé à la procurature, le procureur a ap- pelé l'Obep, on a su quel officiel était derrière et tout est rentré dans l'ordre." Contre les tentatives d'extorsions, seul le rapport de forces compte : "Ce qui est important, c'est de résis- ter car l'autre sent le risque et comprend qu'il peut y perdre des plumes. Il va alors se chercher une autre victime plus impressionnable. Et elles ne manquent pas !"
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