Vent de révolte en Argentine

C'est l'Argentine épuisée que montre d'abord le film documentaire The Take. Un pays qui tutoie le désastre économique et social, qui élit des hommes politiques promettant peu et bradant tout ce que les instances internationales leur demandent de brader. Un pays où la pauvreté s'immisce dans les longues files d'attente devant les portes closes des banques. Où les outils de travail sont enlevés à la sauvette par les propriétaires laissant les ouvriers sur le carreau... Entre ces XXe et XXIe siècles, l'ex-riche contrée de l'Amérique du Sud est en faillite aux mains de politiciens populistes. Celles des dictateurs ou des Carlos Menem qui, désavoués un soir, tentent de récupérer leur fauteuil de chef d'Etat dès le lendemain matin.Les documentaires de cet acabit ne manquent pas. Pour la seule Argentine, l'an dernier déjà, Mémoire d'un saccage, de Fernando Solanas, sortait sur les écrans... Avec The Take réalisé et produit par deux jeunes Canadiens, Naomi Klein et Avi Lewis, la différence est moins dans l'art (montrer l'histoire immédiate) que dans la manière (suivre aussi l'histoire par les anonymes qui la vivent). Avi Lewis, animateur de débats télévisés réputé dans son pays, et Naomi Klein, auteure du livre No Logo (son premier, en 2001) très remarqué pour sa charge contre les marques, sont très actifs dans les mouvements altermondialistes. "Notre engagement n'est plus suffisant, expliquent-ils à La Tribune. Il nous fallait montrer concrètement qu'il existait d'autres formes de développement économique possibles."Coopératives. En 2001 commence un véritable mouvement d'autogestion en Argentine, dans l'usine de céramique Zanon, en Patagonie, ou l'usine textile des frères Brukman à Buenos Aires. Toujours des expulsions, des manifestations de rue, des négociations, des fêtes aussi avec, finalement, des ouvriers et des ouvrières obtenant parfois le droit - précaire quand même - de faire revivre leur entreprise sous forme de coopérative. "Ces exemples ont fait tache d'huile. C'est ce que nous sommes allés filmer", expliquent les coréalisateurs.En 2003, Klein et Lewis restent plusieurs mois en Argentine avec deux équipes d'une quinzaine de personnes et trois caméras pour suivre en direct les mouvements d'entreprises récupérées par leurs salariés. Là est leur différence. Une longue attente et puis la chance : Freddy. Cet ouvrier devient le leader, presque malgré lui, des "rebelles" de l'entreprise de pièces automobiles La Forja. Pas très charismatique, "mais sexy et très touchant avec sa petite famille". Le résultat est un documentaire intense avec une réelle dramaturgie associant témoignages, reportages et images d'archives. Sans que Klein et Lewis ne se montrent trop. "Nous ne voulons pas faire du Michael Moore", disent-ils en s'effaçant derrière leur sujet.Jean-Pierre Bourcie
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