Un "Richard" très rock'n roll

Il faut lire les programmes de théâtre. Ils contiennent souvent des informations intéressantes. Là, avec ce Richard III de Shakespeare, qui ouvre la saison du Théâtre Nanterre-Amandiers, le jeune et talentueux metteur en scène Philippe Calvario explique ses choix : "C'est donc bien cette chose naturelle due au rapport historique et lointain de ces atrocités humaines qui laisse place à une fantastique liberté pour le metteur en scène et les comédiens. [...] Le spectateur vient voir LE MAL incarné sur le plateau, il cherche même inconsciemment, voire consciemment, à être séduit par lui, [...]. La distance historique rend tolérable cette fascination du mal. Cette même distance historique permet au metteur en scène que je suis de laisser libre cours à ses fantasmes d'ordre esthétiques d'une part et barbare d'autre part."Au moins, c'est clair. Clair pourquoi ? On sait que cette pièce du grand William est difficile, voire impossible, à jouer. Trop de meurtres, trop de violence, trop d'enjeux entre ces familles au nom de York et de Lancastre, entre ces gens de cour où l'on se perd entre parents, enfants, cousins, cousines et autres neveux qui se font des guerres sanglantes sous des couleurs de rose. Or, Calvario nous dit qu'il ne va rien cacher du mal et de la jouissance que cela peut procurer à certains, la distance historique lui laissant totale liberté pour ses fantasmes... Voilà son alibi.Flirter avec la BD. Loin de la réflexion que se posait, il y a près de dix ans déjà, le comédien et réalisateur étaus-unien Al Pacino dans son film Looking for Richard, à savoir en quoi le personnage de ce roi maudit, né monstrueux dans des familles où le crime est monnaie de pouvoir, pouvait encore intéresser la jeunesse d'aujourd'hui. Calvario, lui, s'installe à l'ombre de Shakespeare pour faire son travail esthétique. Il veut plaire, surtout aux plus jeunes. Il ne va pas s'encombrer à interroger cette contemporaine "banalisation du mal" née de violences autrement plus terrifiantes depuis Hitler et autre Pol Pot.De quoi rester perplexe devant cette mise en scène de Calvario. Son Richard III flirte avec la BD et les mangas (costumes japonisants, costards entre flics et voyous...), incruste du rock'n roll et de l'humour décalé, introduit des séquences gore façon série télé sur de petits meurtres en famille, sur un mariage (Richard-Lady Anne) et des enterrements. Avec de tels partis pris, dignes d'un vidéaste, on se demande pourquoi il ne sonorise pas les voix des comédiens qui, pour la plupart, s'époumonent dangereusement. Reste Philippe Torreton, dans le rôle-titre. Il émerge, omniprésent pendant trois heures et demie. Avec une telle palette de jeu, il peut se permettre bien des libertés. Même de rester le plus sympathique !Jean-Pierre BourcierJusqu'au 23 octobre au Théâtre Nanterre-Amandiers. Tél. : 01.46 .14.70.00. Vaste tournée programmée.
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