Une renarde bien troussée

En gommant, dans La Petite Renarde rusée, le merveilleux de cette idylle forestière où la frontière entre animalité et humanité est des plus floues, le metteur en scène britannique Daniel Slater s'approche au plus près de la morale de la fable visionnaire de l'auteur, Leos Janacek. À savoir que plus nous nous rapprochons de l'animal, plus notre comportement peut prendre des chemins délicats. L'humour très british, cru et ironique, de Slater transpose cette méditation sur la mort et la vie en une croustillante chronique villageoise à la fois naïve et grave.Plus que transposé, le terme croqué conviendrait davantage à ce no man's land onirique, dominé par une gigantesque horloge sans aiguille. Ce temps arrêté, qui apparaît comme synonyme du triomphe de l'instinct et du refoulement du désir, devient propice à la cruauté comme à la sensualité la plus débridée. Le décor massif de Robert Innes Hopkins alterne buvette néoréaliste, comme un écho à la barbarie où s'épuisent des humains sans bonheur, et forêt de colonnes massives, véritable labyrinthe grouillant d'irrésistibles animaux.Sans chichis. Slater dose le caricatural (la batterie de poules asservies à un coq macho touche à l'acmé de la vie des gallinacés), le drolatique (inoubliable grillon et ses parapluies retroussés !) et le réalisme aussi brut que possible. Toute mièvrerie est littéralement siphonnée et les chorégraphies d'Aletta Collins insufflent une grâce nourrie de fantasmes.La vivacité permanente sur la scène tient aussi à la direction d'acteurs qui, sans chichis, fait oublier la performance vocale et réduit au maximum la trame dramatique faussement naïve. Poussant son plateau à l'incandescence dominé par la renarde (Martina Jankova) et son homme (Ulrike Helzel), la direction d'orchestre de Guido Johannes Rumstadt fait son miel de cette musique somptueuse surgie de la nature, de ses bruits et de ses chants, véritable défi permanent aux règles et aux dogmes de l'opéra. Les multiples cellules rythmiques et mélodiques s'enchaînent et se répondent, toujours euphorisantes ou percutantes. Le plaisir d'un tel spectacle (pour tous publics) n'en est que plus croquant et savoureux. Olivier OlganLes 15, 17 et 19 novembre au Grand Théâtre de Genève. Tél. : 00.41.22.418.31.30. Site : www.genevaopera.ch
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