Paris brille-t-il ?

Tous les amoureux de Paris l'ont en tête. Le plan de Turgot (1739) est l'image la plus séduisante et la plus célèbre de la capitale au siècle des Lumières : des rues larges, des façades d'immeubles bien alignées, des hôtels particuliers aux jardins ordonnancés avec goût. Une description très éloignée de celle que fit Rousseau de son entrée dans le faubourg Saint-Marcel en 1741 : "Des petites rues sales et puantes, l'air de la malpropreté, de la pauvreté, des mendiants, des charretiers, des ravaudeuses." Cette contradiction est au coeur de l'exposition organisée par le centre historique des Archives nationales et la Réunion des musées nationaux sous les lambris de l'hôtel de Rohan, à Paris.C'est en 1734 que le prévôt des marchands Michel Etienne Turgot (le père du ministre de Louis XVI) commande un plan en vue cavalière au dessinateur Louis Bretez. Il s'agit de promouvoir la notoriété de la capitale, la plus grande ville d'Europe avec 550.000 habitants. Un véritable travail de publicitaire : l'image doit être flatteuse car elle sera diffusée auprès de notabilités de province et servira de cadeau diplomatique aux ambassadeurs.Dominant l'exposition, l'oeuvre magistrale (3,20 mètres de long sur 2,50 de hauteur) est un assemblage de 20 planches dont les étapes de fabrication sont détaillées : le levé (Bretez a visité des centaines d'édifices pour les représenter en trois dimensions), le dessin, la gravure et l'impression. Pourtant, hormis son témoignage architectural, tout est faux dans cette représentation : les perspectives sont biaisées, les rues trop larges... Car si le plan de Turgot magnifie Paris, il va à contre-courant des progrès de la cartographie au XVIIIe siècle. Le tracé géométrique basé sur des relevés topographiques a remplacé le plan à vol d'oiseau.Témoignages. Autre aspect passionnant de l'exposition : la mise en regard de l'image idyllique véhiculée par le plan de Turgot et de nombreux témoignages de la vie quotidienne des Parisiens. Des gravures, des ordonnances de police ou des feuilles volantes de commerçants rappellent que la capitale des Bourbons demeure une ville bruyante, sale et polluée.Laurent Pericone"Paris 1730, d'après le plan de Turgot", aux Archives nationales jusqu'au 9 janvier. Tél. : 01 40 27 62 18. À lire, en complé- ment : Le Paris des Lumières d'après le plan de Turgot, d'Alfred Fierro et Jean-Yves Sarazin (Éditions de la RMN, 39 euros).
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