Accro au be-bop

Un titre à lui seul résume la vie et le style de Michel Sardaby, Night cap. Une composition qui donne son nom à un album enregistré en 1970 à Paris par le pianiste antillais avec deux compères occasionnels, Connie Kay (batterie) et Percy Heath (basse). Trente-cinq ans après, le disque produit par un label japonais continue sa carrière. Night Cap - le dernier verre avant de se coucher dans le langage des nuiteux - a bien vieilli. Comme un armagnac. L'esprit du blues est là, avec sensibilité et pudeur, servi par un pianiste rompu aux règles du be-bop en vogue dans les années 50 et une rythmique de rêve, en congé de leur formation habituelle, le rigoureux Modern Jazz Quartet.Musicien talentieux. Fluidité, sens du tempo, joie de jouer, on retrouve ces qualités dans un enregistrement récent réalisé à chaud, en concert, le printemps dernier pour les soixante-dix ans de Michel Sardaby (Night in Paris, Paris Jazz Corner-Universal). Le jazzman martiniquais n'y donne pas son thème fétiche (Night Cap), mais glisse deux compositions personnelles au milieu d'une floraison de classiques de la plus belle eau, de Bag's Groove (Milt Jackson) à Blue Monk (Thelonious Monk) en passant par Embraceable You (les frères Gershwin) et Lush Life (Billy Strayhorn).Pianiste français méconnu. Deux heures de jazz qui fleurent bon les années 60 et placent le projecteur sur un pianiste finalement méconnu sur la scène française. Musicien exigeant, Michel Sardaby doit l'essentiel de sa reconnaissance aux États-Unis, où il a enseigné, et au Japon, qui a produit une partie de sa (modeste) discographie (17 albums en cinquante ans de métier).Son métier, il l'a pourtant bien appris à Paris. Abandonnant la facture de meubles, l'élève de l'école Boulle s'est mis définitivement au piano pour accompagner les jazzmen américains de passage. "La musique était dans mon sang", confie-t-il en évoquant sa jeunesse dans la brasserie familiale de Fort-de-France qui accueillait les orchestres locaux. Mais l'art de l'improvisation ne s'improvise pas. Michel Sardaby croit aux vertus du travail, de la discipline. Perpétuel insatisfait ("je suis toujours mécontent !"), le pianiste ne veut plus aujourd'hui "accompagner les autres" ni encore moins "céder à la mode qui, dit-il, dilue le jazz".N'en déduisez pas pour autant que ce septuagénaire alerte adopte une posture de conservateur grognon ! "Langage physique, gestuel, le jazz doit être festif." Et d'illustrer son propos par une interprétation sur son Pleyel 1934, pour son interviewer du jour, de Night Blossom, une de ses compositions.Jean-Louis LemarchandMichel Sardaby (piano) avec Daryl Hall (basse) et John Betsch (batterie), les 7 et 8 avril au Sunside à Paris. Tél. : 01. 40.26.21.25. Discographie : Night in Paris. (2 CD) - Paris Jazz Corner-Universal Music Jazz France. Night Cap, Sound Hills, 1970.
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