Meilleurs souvenirs de Noirmoutier

Ici le deuil est bleu céruléen" : Agnès Varda ne s'en cache pas, c'est Jacques Demy, son compagnon de trente ans, disparu en 1990, qui l'a amarrée à Noirmoutier. Depuis, la cinéaste reconnaît que la fréquentation de l'île et de ses habitants l'a beaucoup aidée dans son travail de deuil. Une installation audiovisuelle, les Veuves de Noirmoutier, en témoigne avec les portraits de 14 femmes, enchâssées dans des moniteurs et disposées autour d'une grande photo centrale où elles sont toutes rassemblées, vêtues de noir, sur la plage. Un peu comme une peinture religieuse de primitif italien ou flamand. Sauf qu'ici ces femmes livrent leur expérience de la solitude et du veuvage par l'image animée et le son (à travers des écouteurs à disposition sur des chaises placées en vis-à-vis de chacune d'elles).Pas triste pour autant, l'exposition de la Fondation Cartier, intitulée "L'île et elle", rassemble 8 installations vidéo (dont 6 créées pour la circonstance) où le ludique le dispute à la gravité. Ce travail rend compte de l'évolution de la cinéaste de Sans toit ni loi (1985) qui fit ses débuts comme photographe du Festival d'Avignon en 1949 et qui, ces derniers temps, a mué en artiste plasticienne. La Fondation Cartier lui a laissé carte blanche pour insuffler une grande bouffée d'air insulaire et marin dans le milieu confiné de l'art contemporain.Vive la récup'. Bien nommée Ping-pong, tong et camping, la première installation donne le ton : un film vidéo est projeté sur un matelas pneumatique, entouré des objets emblématiques de l'été, en plastique et en couleurs fluo, le tout formant une sorte d'ex-voto à la plage sur une musique de Bernard Lubat. La récupération étant pour Agnès Varda, infatigable fourmi bricoleuse, une vertu cardinale (voir son film "les Glaneurs et la Glaneuse"), même les échecs sont réutilisés. Ainsi sa Cabane de l'échec rappelle les cabanes en tôle de Noirmoutier. Mais elle est faite de bouts de pellicule positive de copies de son film les Créatures, tourné dans l'île en 1966 avec Catherine Deneuve et Michel Piccoli, qui fut un four.Au sous-sol de la Fondation, il faut attendre que la barrière qui fermait le passage du Gois (la route submergée par la marée haute) se lève pour pénétrer dans Noirmoutier, telle qu'elle se présentait avant la construction du pont en 1971. Collectionneuse de cartes postales, la cinéaste a imaginé un Souvenir de Noirmoutier à sa façon, un tirage très agrandi d'une carte postale d'une pin-up des années 50 posant nue, de dos, sur une plage. Avec des fenêtres ou tiroirs que le curieux peut ouvrir pour voir ce qu'il y a dedans. Comme les vieilles cartes postales dont une partie se dépliait pour dévoiler des vues touristiques. Plus loin, le tombeau de la chatte Zgougou, un simple tumulus qu'un film d'animation vient couronner de coquillages et de fleurs. Chez Agnès Varda, la création d'images est toujours le meilleur antidote à la tristesse.Noël TinazziJusqu'au 8 octobre. Tél. : 01.42.18.56.50. fondation.cartier.com
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