Acteurs de leur propre rôle

Par latribune.fr  |   |  620  mots
Coïncidence du calendrier, deux films venus des deux bouts opposés de la planète se télescopent dans les salles obscures ce mercredi. Avec une thématique commune : la confusion des rôles des comédiens principaux, entre leur partition dans la fiction filmée et le personnage public qu'ils sont dans la vie réelle. Le résultat est aussi déroutant que savoureux. Mais, dans les deux cas, le public français aura du mal à apprécier ces films aux qualités indéniables quoique inégales, focalisés sur une célébrité de la télévision dans leur pays respectif.Dans le cas du Japonais Takeshi Kitano, la problématique, déjà passablement tordue, est encore compliquée par le fait que l'acteur en question est aussi le réalisateur du film, très souvent acteur dans ses propres fictions. Et que le héros du film s'appelle Beat Takeshi, nom de scène de Takeshi Kitano, star comique de la télévision japonaise. Tout inconditionnel de sa filmographie que l'on soit (Sonatine, Hana-bi), on doit avouer que ce dernier Taskeshi's nous a laissés dubitatifs. L'on n'y retrouve pas les éclats fulgurants de ses précédents opus ni l'humour pince-sans-rire avec lequel il met ses distances par rapport aux rôles de yakuza qu'il joue souvent lui-même.Le point de départ est l'aventure bizarre vécue par l'acteur au faîte de sa gloire, qui s'endort et entre dans le monde imaginaire de sa conscience, où il se voit sous les traits de son sosie qui entre lui-même dans un autre monde imaginaire, et ainsi de suite comme un mille-feuille. Et le film de multiplier les allers-retours entre Beat Takeshi, qui mène la vie surexposée, aux allures irréelles, d'une star du show-biz, et son sosie, caissier insignifiant d'une supérette, acteur à la manque qui rate toutes ses auditions et se trouve confronté à des yakuzas qui ont l'air échappés d'un film de Takeshi Kitano.... Comprenne qui pourra !Légèreté. Beaucoup plus léger et nettement plus fun, Tournage dans un jardin anglais , du prolifique et très diversifié Michael Winterbottom (qui vient de sortir un Guatanamo dans l'actualité). Cette fiction historique très enlevée prend pour prétexte le livre culte et drôlissime de Laurence Sterne, la Vie et les Opinions de Tristram Shandy (1760), roman à tiroirs fourmillant d'épisodes loufoques et critique radicale du conformisme social et littéraire dans l'Angleterre du XVIIIe siècle. Mais il ne s'agit nullement ici d'une adaptation du roman au cinéma, jugée par tous impossible. C'est plutôt un film sur un comédien en train de tourner un film en costumes où il interprète plusieurs personnages du roman : Tristram Shandy (père et fils) et aussi son auteur, Laurence Sterne, qui intervient souvent dans le roman, parle à ses personnages, prend le lecteur à partie, bref n'a de cesse de bousculer les règles du récit traditionnel. Dans tous ces rôles, l'acteur Steve Coogan, vedette de la télévision britannique et cible favorite des tabloïds, est étourdissant.Sur le plateau, le comédien a la vie dure. Entre son partenaire dans le film et rival dans la vie, Rob Brydon, qui lui balance des vannes à tout bout de champ, son agent qui le poursuit avec des scénarios alléchants estampillés Hollywood, la jolie assistante qui lui fait du rentre-dedans, son épouse qui surgit, leur nourrisson dans les bras, pour passer le week-end en famille et le journaliste d'un magazine people qui lui fait un odieux chantage au scoop crapoteux... Dur dur, la vie d'acteur !Noël Tinazz