Démarrage poussif pour les fonds " 130/30 "

Mettre en place une stratégie 130/30 dans un fonds de placement consiste dans un premier temps à prendre des positions longues, c'est-à-dire acheteuses, pour 130 % des encours. Ensuite, le gérant compense les 30 % d'exposition excédentaire grâce à la vente à découvert de titres, paniers d'actions ou indices sur lesquels une baisse est anticipée. La démarche vise à obtenir un supplément de performance qui soit attribuable au talent du gérant à se positionner sur les marchés.Inspirée de la gestion long short equity, une stratégie alternative qui, elle aussi, combine la pratique simultanée d'achat et de vente de titres, cette approche s'en distingue néanmoins sous plusieurs aspects : " La gestion long/short vise le plus souvent à neutraliser le risque de marché et à générer de la performance absolue. Les fonds 130/30, qui offrent une moindre liberté d'action à leurs gérants, sont, quant à eux, structurellement corrélés à leur univers d'investissement et ont pour objectif de battre leur indice de référence ", analyse Christophe Chouard, le directeur ­général de HDF Finance.UNE CINQUANTAINE DE FONDS DESORMAIS EN EUROPELe recours à la vente à découvert pour générer une performance supérieure à celle d'un fonds géré de façon traditionnelle est une idée séduisante d'autant que la démarche s'effectue le plus souvent dans une structure UCITS, c'est-à-dire conforme à la directive européenne sur les OPCVM, qui autorise donc les souscriptions d'une large population d'investisseurs, institutionnels et particuliers. Dans la plupart des cas, cette amélioration du niveau de service apporté s'accompagne assez naturellement d'une révision à la hausse des frais de gestion. Au final, la recette, qui a tout pour plaire, déçoit cependant. Car, après les discours enthousiastes qui ont accompagné leurs lancements, les quelque cinquante fonds désormais disponibles en Europe ont dû faire face à la crise financière mais aussi à certains dysfonctionnements. Si le contexte de marché déplorable des derniers mois peut servir de paravent, il est surprenant de constater que les fonds traditionnels font parfois mieux que la gestion " 130/30 ". Comme la période d'observation est courte, un grand nombre de ces produits ayant été lancés en 2007, il est utile de se tourner vers les groupes de gestion américains qui ont pris une légère avance en la matière.En octobre dernier, la société Morningstar a publié la performance moyenne d'une quarantaine de fonds 130/30 sur les huit premiers mois de l'année 2007, soit avant que la crise ne prenne l'ampleur que l'on connaît aujourd'hui. Certes, ici encore, l'historique des fonds est limité, mais le bilan n'est guère enthousiasmant : une performance moyenne de 3,9 % contre 5,2 % pour le S&P 500. À cette contre-performance relative s'ajoutent des frais de gestion plus élevés, ainsi que, la plupart du temps, une commission de surperformance. De quoi rendre sceptiques les investisseurs les plus audacieux !UNE CATEGORIE HETEROGENEPour clarifier quelque peu la situation, la société d'analyse britannique Terrapynn a sollicité, dans le cadre d'une étude menée de janvier à avril 2008, 70 investisseurs institutionnels parmi lesquels des fonds de pension, des fonds dédiés, des ­compagnies d'assurances et des family offices afin de connaître leurs principales interrogations relatives aux fonds 130/30. En tête de liste figure le processus de gestion : près des deux tiers des sondés s'interrogent en effet sur la nature, fondamentale ou quantitative, de l'approche mise en place dans le produit et sur son application. D'autres questions suivent assez naturellement. Le gérant a-t-il réellement le talent et les moyens techniques pour prendre en charge des positions vendeuses ? Quels sont les intermédiaires impliqués dans la gestion ? Quelle classe d'actifs ou segment de marché convient le mieux à ce type de stratégie ? Le ratio 130/30 est-il optimal ?Au regard des nombreuses questions induites par cette enquête, il apparaît nettement que les fonds ayant recours à la gestion 130/30 constituent une catégorie particulièrement hétérogène, difficile à appréhender par les investisseurs. La diversité des approches ne simplifie pas non plus la tâche des firmes spécialisées dans le classement et l'évaluation des fonds. Par conséquent, en dehors de quelques rares études ponctuellement publiées, il n'existe pas de base de données de référence qui permette une analyse approfondie de ces produits. Sans surprise, les encourstotaux des fonds 130/30 peinent à décoller. Selon Lipper Feri, ils ne représentent guère plus de 3 milliards d'euros à l'échelle européenne et les collectes continuent de décroître à la fois en Europe et aux États-Unis. Un démarrage poussif qu'il convient de comparer au succès significatif rencontré par les trackers, ces fonds cotés qui affichent à la fois un bon niveau de transparence sur leur processus de gestion et des frais de gestion modérés.
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