Romain Boscher : " L'ampleur de la crise des prêts à risques est sous-estimée "

Le marché a-t-il bien mesuré l'ampleur de la crise des subprimes aux États-Unis ?À première vue, les ordres de grandeur des subprimes américains sont plutôt rassurants. Ces crédits accordés à des ménages peu solvables ne représentent que 12 % de l'encours des prêts hypothécaires aux États-Unis. Une telle lecture est néanmoins trompeuse et tend à sous-estimer l'ampleur de la crise et ses effets. En fait, la proportion de subprimes a été grandissante au fur et à mesure de la progression des prix. Ainsi en 2006, au plus haut du marché, ils ont représenté près de 20 % de la production de crédits. Les emprunteurs les plus fragiles sont donc aussi ceux qui n'ont pas eu le temps d'engranger une plus-value avant le retournement aujourd'hui avéré de l'immobilier américain. Enfin, mentionnons que près de 35 % des titrisations immobilières contenaient des crédits subprimes en 2006. Il y a donc bien eu emballement dans la prise de risques.La mutualisation du risque bancaire n'est-elle pas une garantie contre un choc de grande ampleur ?Depuis la dernière crise immobilière, qui remonte à plus de quinze ans, les États-Unis, comme beaucoup d'autres pays, ont profondément sophistiqué leur mode de financement et surtout de " portage " du risque associé aux crédits hypothécaires. Les banques et plus encore les courtiers spécialistes du crédit immobilier (dont bon nombre sont déjà en cessation d'activité) se sont transformés en simples distributeurs de crédit. L'essentiel du risque est transmis aux marchés via, le plus souvent, des montages de titrisation achetés par différents gérants d'actifs (fonds de pension, fonds communs de placement, hedge funds...). La bonne nouvelle est que cette mutualisation des risques ainsi dispersés permet d'encaisser sans traumatisme un taux de défaut raisonnable. La mauvaise est que les subprimes - omniprésents dans les titrisations -, ont parfois été souscrits avec effet de levier, ce qui revient à amplifier un risque au préalable atténué. Autre inquiétude : les établissements de crédit n'étant plus porteurs du risque, leur incitation à prêter est plus forte.Ce système a en somme " déresponsabilisé " les banques...Oui. Nous pouvons donc craindre un taux de défaut supérieur à la norme et un taux de recouvrement lui aussi inférieur aux estimations. En outre, les débiteurs engageront, comme cela est déjà constaté, des procédures pour se défausser en affirmant avoir été les victimes inconscientes de méthodes de vente agressives.Ces turbulences peuvent-elles gagner l'Europe ?Un des catalyseurs de la crise a été la hausse des taux d'intérêt subie par ces emprunteurs, de nouveau exposés aux taux variables après deux premières années de taux fixes. Ce type de risque est peu présent dans la plupart des pays européens, où les taux fixes courent généralement sur toute la durée de l'emprunt. De ce côté de l'Atlantique, les banques sont par ailleurs moins enclines à prêter à des débiteurs peu solvables, quand bien même la marge serait substantielle. Des menaces pèsent néanmoins sur l'Espagne, la Grèce et la Grande-Bretagne qui cumulent une dynamique de prix de l'immobilier très forte ces dernières années avec un mode de financement à taux variable affecté par les récentes hausses de taux. Sinon, l'exposition se limitera à la quote-part des titrisations défaillantes détenues par les banques et investisseurs européens, soit un montant digeste.Quels secteurs et valeurs privilégiez-vous dans ce contexte ?Nous privilégions des valeurs non exposées à l'immobilier américain - et par extension espagnol et anglais - et à son financement. Ce ralentissement de l'immobilier risquant de peser sur la consommation, nous évitons les sociétés sensibles à cette composante pour leur préférer des groupes exposés à la croissance, intacte dans les pays émergents ou même l'Allemagne, qui profite de cette dynamique dans le reste du monde.
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