La crise de liquidité souligne les limites des normes IFRS

Entrées en application dans l'Union européenne il y a trois ans, les normes comptables internationales IFRS connaissent leur heure de vérité avec la crise de liquidité. Depuis le 1er janvier 2005, les 7.000 entreprises cotées de l'Union européenne, dont les groupes bancaires et les assureurs, ont dû changer radicalement d'approche comptable pour leurs bilans consolidés, y inscrivant non plus le prix d'un bien donné à sa valeur d'acquisition (" coût historique ") mais à sa valeur du moment (" juste valeur "). Très conceptuelle, cette nouvelle approche a dès le départ posé aux établissements financiers des difficultés d'interprétations. Ils doivent ainsi sélectionner eux-mêmes les actifs à consolider et définir la manière de ventiler au passif certains produits en instrument de dette ou en capitaux propres.La lecture des comptes s'en est compliquée et quelque peu déconnectée de la réalité économique des établissements financiers. Au point que, dans l'assurance, qui verra l'entrée en vigueur des normes Solvabilité 2 en 2012, " compte tenu des divergences probables entre les normes comptables IFRS et les normes Solvabilité 2, on semble s'orienter vers la coexistence de deux référentiels : l'un comptable, l'autre prudentiel, entre lesquels il faudra établir des liens afin que le contrôle soit possible ", indique Pauline de Chatillon, directrice internationale adjointe à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles (Acam). La crise de liquidité qui sévit depuis l'été dernier a accentué ces difficultés, mettant en lumière les limites de la mise en oeuvre des normes IFRS. " Tant que les marchés sont liquides, l'application de la notion de "juste valeur"ne pose pas de difficulté réelle. En revanche, dans la situation actuelle d'illiquidité, les banques doivent s'appuyer plus largement sur leurs modèles internes et sur des paramètres de marché peu observables pour déterminer cette valeur ", souligne Marc Van Caeneghem, associé de Deloitte Conseil, spécialiste des établissements bancaires. Dans ce contexte, alors qu'elles étaient censées homogénéiser les comptes des établissements et faciliter leur comparaison, les normes IFRS accroissent leur hétérogénéité. Ce qui nourrit la volatilité des marchés, les investisseurs affichant leur scepticisme quant à la pertinence des modèles choisis.DETERIORATION PROFITABLEPlus ennuyeux encore, la dégradation financière de certains acteurs pourrait améliorer leurs profits ! " En situation de stress, les variations sur les passifs comptabilisés en option juste valeur entraînent chez les émetteurs dont la note financière est dégradée une baisse de la valeur de la dette émise. Cette détérioration au passif se traduit mécaniquement par un profit ", souligne Marc Van Caeneghem. Dans ce contexte, la volonté de l'IASB, responsable des normes IFRS, de renforcer dans les prochaines années le recours à la juste valeur peut paraître peu raisonnable.
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