Hubert Reynier : " Le modèle économique des agences peut être porteur de conflits d'intérêts"

Les agences de notation ont-elles trop tardé à dégrader les titres liés aux prêts hypothécaires à risque américains (subprimes) ?Ce qui est sûr, c'est que les premières craquelures du marché immobilier américain sont apparues fin 2005-début 2006 et que les prix ont commencé à se retourner dans certaines régions des Etats-Unis au cours de l'année 2006. Le marché en a tiré les conséquences en réévaluant à la baisse les actifs titrisés dès la fin 2006 pour les produits les plus exotiques et à partir du printemps 2007 pour les CDO. Les notations, elles, ont surtout évolué à partir du second semestre 2007 et la majorité des dégradations de CDO a eu lieu entre octobre et novembre.Les agences soulignent que leur fonction n'est pas de noter la liquidité ou la volatilité des actifs, mais leur risque de défaut. Comment concilier cette vue et les attentes du marché ?L'AMF avait, l'année dernière, posé la question des limites des notations en matière de produits structurés. D'ailleurs, elles réfléchissent à la façon dont elles pourraient accompagner leurs notes d'informations utiles aux investisseurs. Pour que la titrisation reparte dans de bonnes conditions, elles devront certainement donner plus d'éléments sur les sous-jacents de ces notes, c'est-à-dire les paramètres utilisés, leur pondération relative, leur sensibilité et leur corrélation. Les acteurs du marché auront ainsi les moyens d'évaluer l'impact de la variation d'un de ces paramètres sur la note finale et sa volatilité potentielle.Au cours de ses précédents rapports, l'AMF a mis en évidence les problèmes de conflit d'intérêts entre les agences et les entreprises qu'elles notent. Avez-vous l'impression qu'elles ont fait des progrès dans ce domaine ?Elles en ont toujours été conscientes du problème, et leurs codes de bonne conduite apportent une réponse satisfaisante d'un point de vue juridique en mettant en place des procédures adaptées. La question est celle de leur modèle économique. À partir du moment où une agence réalise, comme cela était le cas avant la crise, près de 50 % de son chiffre d'affaires avec 5 ou 6 grandes banques actives dans le montage de produits structurés, n'y a-t-il pas un risque redoublé de conflits d'intérêts ? Et par conséquent, n'y a-t-il pas une analyse particulière qui doit être faite sur le thème des gages complémentaires qui devraient être donnés au régulateur pour assurer qu'elles prennent cela en compte ?Avec la crise, l'agence DBRS a décidé de fermer ses bureaux européens. L'oligopole de Moody's, S & P et Fitch semble très difficile à infiltrer en Europe...Je n'ai pas à juger de la décision de DBRS dans un contexte difficile. D'ailleurs, se porte-t-on forcément mieux avec plus d'agences ? Il y a un juste équilibre à atteindre. Nous sommes relativement prudents sur ce sujet, car il s'agit d'une activité qui, du fait des barrières d'entrée en termes de compétences et d'expérience, est par nature oligopolistique. Maintenant où faut-il placer le curseur ? Nous nne sommes pas favorables à une ouverture débridée du marché. L'important est d'avoir des agences crédibles et solides.
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