La Société Générale face au " problème " Bouton

Le président de la République a donné le ton. Les politiques lui emboîtent le pas. Les appels à la démission de Daniel Bouton, le président de la Société Générale, se multiplient. Après la stupéfaction causée par la révélation jeudi dernier d'une perte abyssale de 4,8 milliards d'euros, beaucoup estiment aujourd'hui que Jérôme Kerviel, le trader à l'origine de la débâcle, n'est pas le seul à mettre en cause. Et si quelques rouages de sa hiérarchie ont d'ores et déjà été remerciés, ces coupes ne suffisent pas : les dirigeants de la banque doivent eux aussi assumer leurs responsabilités.Depuis le week-end dernier, le président de la République ne cache pas son mécontentement face à la façon dont est gérée cette affaire à la Société Générale. Mardi soir, Nicolas Sarkozy a même appelé Daniel Bouton à ne pas " s'exonérer de ses responsabilités ". Hier, la ministre de la Justice, Rachida Dati, y est allée de son couplet sur France Info : " Il est président de la Société Générale, sa responsabilité peut être engagée. " Christine Lagarde, ministre de l'Économie, est apparue mesurée, soulignant hier qu'il revenait aux administrateurs de prendre leur décision sur une éventuelle démission du président de la banque. Le conseil d'administration de la banque se réunit justement aujourd'hui, de même qu'un comité central d'entreprise. Daniel Bouton, qui avait présenté sa démission dimanche mais que les administrateurs avaient refusée, exprimant en même temps tout leur soutien au président, a précisé depuis que " sa démission était toujours sur la table ". Les administrateurs auront-ils changé d'avis ?Une chose est sûre, le conseil de la Générale va se tenir dans un climat encore plus délétère qu'il ne l'était déjà. En effet, le site d'informations MediaPart a publié hier une partie des déclarations de Jérôme Kerviel, aux policiers de la brigade financière qui l'ont interrogé entre samedi et lundi dernier. La version du trader diffère beaucoup de celle de la Société Générale, car il affirme que sa hiérarchie ne pouvait ignorer le montant de ses positions sur le marché. Or, depuis la semaine dernière, les dirigeants de la Société Générale répètent que la banque a été victime d'une fraude orchestrée par le trader qui a réussi à déjouer tous les systèmes de contrôle. La banque a expliqué à deux reprises que les techniques utilisées par Jérôme Kerviel n'avaient pas permis de détecter qu'il investissait des sommes folles bien au-delà de la limite d'investissement qui lui était imposée. De telles affirmations en ont étonné plus d'un sur les marchés, d'autant que selon le procureur de la République, Jean-Claude Marin, Jérôme Kerviel a commencé dès 2005 à dissimuler le solde exact de ses opérations de marché.HIERARCHIE AU COURANTDans son interrogatoire avec les policiers, Jérôme Kerviel fait voler en éclats la thèse de la Société Générale. " Je ne peux croire que ma hiérarchie n'avait pas conscience des montants que j'engageais, il est impossible de générer de tels profits avec de petites provisions. Ce qui m'amène à dire que lorsque je suis en positif, ma hiérarchie ferme les yeux sur les modalités et les volumes engagés. Au quotidien, au titre d'une activité normale avec des engagements normaux, un trader ne peut générer autant de cash ", a-t-il déclaré. Le jeune trader de la Société Générale est allé même jusqu'à sous-entendre que sa hiérarchie l'encourageait à prendre de tels risques : " Tant que nous gagnons et que cela ne se voit pas trop, que ça arrange, on ne dit rien "...Dans ses déclarations, Jérôme Kerviel bat aussi en brèche la thèse de la direction selon laquelle la banque a eu affaire à un informaticien hors pair, " incroyablement ingénieux " selon les termes mêmes de Daniel Bouton le 24 janvier dernier à l'annonce de l'affaire. Or, l'ancien employé de la banque répond : " Les techniques que j'ai utilisées ne sont pas sophistiquées du tout, et à mon sens tout contrôle correctement effectué est à même de déceler ces opérations. " Il reste désormais à la Société Générale à peaufiner ses arguments dans le cadre de l'enquête judiciaire pour laquelle la banque s'est constituée partie civile.Le soutien des cadresL'Amicale des cadres de la Société Générale dénonce le " dénigrement gratuit et souvent populiste " dont est victime, selon eux, la Société Générale. " Les salariés ont contribué à développer cette boîte avec leurs tripes, et là, on a le sentiment d'être traînés dans la boue ", a déclaré le président de l'Amicale, Jean-Philippe Guillaume, cité par l'AFP. Et d'ajouter : " Je comprends les commentaires : 4,9 milliards d'euros, ça paraît complètement délirant, mais ce serait une erreur de tout remettre en cause. " " Depuis dix ans, Daniel Bouton et son équipe dirigeante ont fait de la Société Générale une des banques les plus performantes et les plus grosses en Europe ", poursuit le cadre de la Société Générale.
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