Bercy veut un livret A pour les exclus

La réforme du livret A se précise sans faire taire les critiques de ses opposants. Lors de son audition à la commission des Finances de l'Assemblée nationale mercredi soir, Christine Lagarde a au contraire suscité une levée de boucliers en proposant la création d'un livret " d'accessibilité bancaire ".Désireuse de faire du livret A un pur produit d'épargne, qui ne pourrait pas fonctionner comme un compte courant et qui serait distribué par toutes les banques, la ministre des Finances propose en contrepartie de créer un produit spécifique aux populations les plus fragiles. Celles pour qui le livret A serait " l'unique outil de bancarisation ", comme il l'est pour déjà 400.000 détenteurs.CRITERES D'ATTRIBUTION A DEFINIR Ce nouveau produit serait distribué par la seule Banque Postale, et ses détenteurs pourraient réaliser à l'aide d'une carte bancaire des retraits à tout distributeur d'argent et des paiements dans les magasins. Ses critères d'attribution sont à définir par Martin Hirsch, haut commissaire aux Solidarités actives contre la pauvreté, en collaboration avec les acteurs du livret A.Selon ses détracteurs, une telle proposition conforterait les banques dans leur élitisme. Elle stigmatiserait aussi la Banque Postale comme " banque des pauvres ". Cette proposition risque d'exonérer les Caisses d'Épargne de ses missions d'intérêt général. " Jusqu'à présent, nous ne remplissions qu'un tiers à la moitié de nos obligations de financement de projets d'économie locales et sociales (PELS) suivant les années. Nos dirigeants vont arrêter ce type d'investissement ", prévoit Claude Bertrand, délégué syndical national de la CFDT aux Caisses d'Épargne.Pour éviter ce type de dérive, Christine Lagarde veut prendre en compte ces missions spécifiques dans la rémunération des réseaux historiques (Banque Postale, Écureuil, Crédit Mutuel) qui reste à définir. En revanche, les autres banques seront soumises au taux unique de 0,4 % des encours. Elle estime que ce taux permettra d'économiser 1 milliard d'euros. Une somme réaffectée au financement du logement social et à la Banque Postale pour compenser ses coûts supplémentaires liés à la gestion du livret d'accessibilité bancaire.Déçues, les banques reconnaissent en coulisse le risque de siphonnage des encours du livret A vers d'autres produits plus rémunérateurs pour elles. En laissant à leur disposition une partie de la collecte, Christine Lagarde précarise plus encore les ressources du logement social selon ses opposants. La ministre prévoit certes une même règle de centralisation pour le livret A et le livret développement durable (ex-Codevi) pour éviter toute cannibalisation et garantir les niveaux d'encours actuels. Une révision par décret du taux de centralisation en fonction des besoins du secteur est aussi prévue. Mais la boîte de Pandore est ouverte selon Jean-Pierre Balligand, député socialiste de l'Aisne. Faute de lien entre leur rémunération et des objectifs de collecte, " les banques feront pression pour faire baisser ce taux ", prévoit-il.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.