Fable nordique

Depuis que le Norvégien Ingolfur Arnason, un beau jour de 874, a débarqué sur les côtes encore désertes de l'Islande, les liens entre les deux peuples scandinaves séparés par l'Atlantique Nord sont demeurés très étroits. Des cultures proches et résistantes à une longue et commune occupation danoise, des indépendances récentes, des économies longtemps fondées sur la pêche qui se sont muées en des systèmes remarquables d'ouverture et d'efficacité, ne sont pas les moindres des similarités entre Norvège et Islande. Ces deux pays se sont ainsi hissés sur le toit du monde en termes de richesse par habitant, grâce à des taux de croissance que nous autres ne pouvions regarder qu'avec honte. Mais tout est désormais changé et chacun semble s'être engagé sur des voies aussi différentes que celles empruntés par la cigale et la fourmi de la fable. La décision surprise de la Norges Bank, mercredi dernier, de relever d'un quart de point ses taux " de façon préventive ", alors que l'inflation dépasse à peine 3 % et que la croissance est encore solide fait sentir toute la sagesse et la prudence norvégiennes. Des vertus qui ont cruellement manqué aux Islandais. Ivres de leur croissance, ces derniers ont dansé des années sur des montagnes d'argent que leur apportaient les fonds internationaux. Mais lorsque la crise est venue, ils se sont trouvés fort dépourvus. Les fonds étrangers ont fui, la monnaie s'est effondrée, l'inflation s'est enflammée et la Banque centrale, jusqu'ici insouciante, en a été réduite à remonter en hâte ses taux et à pester contre la noirceur des méchants investisseurs. La Norvège n'est, elle, jamais tombée dans ce piège que lui tendaient pourtant les délices de sa manne pétrolière. Sa première sagesse a sans doute été de ne jamais croire que l'or noir était une grâce suffisante à son bonheur. Et c'est aussi le sens de cette décision de la Norges Bank, qui veut refroidir les tuyaux avant que l'inflation ne s'emballe et que les Norvégiens ne soient tentés d'utiliser la manne pétrolière pour encore alimenter la spirale. Notons toutefois que, dans cette fable nordique, la morale est différente : la Norges Bank a participé à l'aide d'urgence pour l'Islande. La fourmi nordique est moins cruelle que celle de La Fontaine.
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