La fin de la Deutschland AG

Werner Seifert, le président du directoire de la Deutsche Börse, a perdu la bataille face à quelques actionnaires puissants. "Les hedge funds sont arrivés à leurs fins", titrait hier Manager Magazin dans son édition en ligne. Et de qualifier le 9 mai 2005 comme le jour marquant la fin définitive de la Deutschland AG, cette organisation de l'économie allemande qui jusqu'à ces dernières années unissait industrie et finance. "Révolution à la Bourse allemande", acquiesçait le Spiegel sur son site.Puissance et agressivité. Pour la première fois, des fonds d'investissement ont renversé le management d'une société du DAX. La pression d'un actionnaire, un fonds spéculatif basé à Londres de surcroît, entré tout juste en fin d'année pour acquérir 8 % du capital (soit une fraction supérieure aux 7 % détenus par les institutionnels allemands), aura suffi à éjecter le bouillant patron de l'un des opérateurs boursiers les plus rentables au monde. Un retour de boomerang pour l'un des chantres de la "shareholder value", cette culture d'entreprise qui place en tête des priorités la création rapide de richesses pour les actionnaires à l'opposé des traditions du capitalisme rhénan. Autant dire que le débat sur les excès du capitalisme qui agite l'Allemagne depuis quelques semaines risque de rebondir de plus belle. Le président du Parti social-démocrate (SPD, au pouvoir), Franz Müntefering, avait pris en exemple l'agressivité du fonds TCI pour lancer la polémique, dénonçant le "pouvoir grandissant du capital" et la loi du profit maximum "poussée par les multinationales". Le numéro deux du groupe parlementaire SPD, Joachim Poss, a aussitôt analysé hier l'éviction de Werner Seifert comme une nouvelle preuve de la justesse des critiques émises par son président. "Que ces investisseurs déploient une telle puissance de manière aussi manifeste confirme les craintes", a-t-il indiqué. Le groupe parlementaire a même dressé une liste noire de 12 entreprises parmi lesquelles la Deutsche Bank et Goldman Sachs. Même l'opposition libérale entre dans l'arène en contestant notamment l'utilité des rachats d'actions.Si la plupart des patrons allemands ont réagi violemment, certains reconnaissent qu'il va leur falloir s'adapter. "L'époque confortable de la Deutschland AG est révolue, la mondialisation a aussi atteint les étages de direction", a indiqué hier Jürgen Kurz, d'une association de petits actionnaires. Il s'attend à ce que ce type d'aventures se multiplient. Notamment pour les entreprises qui ne possèdent pas d'actionnaires de référence.Bénédicte de Peretti, à Munich
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