Les nouvelles responsabilités de l'entreprise

Plusieurs tendances lourdes vont orienter la stratégie de l'entreprise du XXIe siècle. En voici quelques-unes, dans un ordre non hiérarchique.La frontière entre le coté et le non-coté. Déjà mouvante, elle va le rester, sans qu'il faille y voir une source de fragilité. Entre la tentation d'un certain nombre d'entreprises de sortir de la cote (" public to private ") et l'attirance croissante des fonds d'investissement pour des sociétés cotées, les repères habituels sont un peu brouillés. Tant pis pour eux ! Ce redécoupage incessant des périmètres est aussi le signe d'un capitalisme et d'un actionnariat plus actifs.L'indispensable retour de la confiance dans le système. On connaît les liens étroits entre confiance et croissance. Par-delà leurs différences intrinsèques, l'affaire Enron en 2001 et la crise non achevée des subprimes ont mis en cause la confiance des marchés et de l'opinion publique dans le système, et posent les mêmes défis. Il s'agit d'abord d'améliorer la transparence de l'information. On voit encore aujourd'hui à quel point le manque de transparence alimente la défiance des banques les unes envers les autres.Il faut ensuite faire évoluer la gouvernance des entreprises en partant de l'idée qu'au plan microéconomique, la recherche de l'efficacité économique et le souci de la justice sociale se rejoignent souvent. Sans oublier la nécessaire réduction des conflits d'intérêts, un défi qui, après l'audit et le conseil, concerne aujourd'hui les agences de notation. Enfin, la transparence et la confiance supposent de faire appel aux bons (ou moins mauvais) systèmes de valorisation. La crise financière met à nouveau sur la sellette les implications d'une fair value qui serait appliquée sans discernement et la procyclicité au plan macroéconomique d'un certain nombre de normes et de standards. Sans réhabiliter la comptabilité aux prix historiques, il va falloir conserver les avantages des nouvelles normes comptables tout en atténuant certains de leurs effets secondaires négatifs. Cela passe par le lissage assez systématique des données de marché et par une clarification des méthodologies du mark-to-model lorsque, comme depuis août, le marché fait défaut sur de nombreux instruments financiers.Essor des normes socialesDes équilibres à maintenir ou à trouver. L'entreprise du XXIe siècle devra se soucier encore plus des équilibres entre les actionnaires et les autres parties prenantes (stakeholders), de la pondération entre des objectifs de rentabilité financière à court terme et des objectifs de rendement économique et social à long terme. Un point paraît acquis : le succès durable du concept de développement durable et, avec lui, l'essor des normes sociales et environnementales à côté des normes financières classiques. Nous allons vivre dans un monde où les marchés et les analystes financiers vont être de plus en plus sensibles aux dépenses d'avenir de l'entreprise (R&D, innovation, investissement direct ou indirect dans la formation...), ainsi qu'à sa contribution nette à lutter contre le changement climatique. Dans ce monde de ressources rares qui se rappelle à notre bon souvenir avec la flambée des prix énergétiques et alimentaires, une part croissante de la vie et des performances de l'entreprise va se jouer autour du couple énergie-environnement. Micro et macroéconomie, même combat !La montée en puissance de nouveaux actionnaires. Pour les sociétés cotées, gérer correctement la coexistence d'actionnaires individuels et d'actionnaires institutionnels ne sera pas nouveau. Mais il va falloir anticiper les conséquences de la présence croissante des divers types de fonds. Par exemple, certains fonds souverains vont devenir les actionnaires de référence de quelques grandes banques et entreprises internationales. Se posera alors la question de l'articulation entre une logique financière et une logique plus géopolitique, avec de redoutables enjeux de gouvernance à la clé. C'est maintenant qu'il faut définir les règles du jeu valables dans l'avenir pour les fonds souverains, les fonds d'investissement, les hedge funds, en évitant l'amalgame entre ces différents véhicules financiers.La mise en oeuvre d'une nouvelle gouvernance des entreprises (" corporate governance"). Les axes sont nombreux et bien identifiés : renforcement du rôle des assemblées générales, protection des actionnaires minoritaires, développement des administrateurs indépendants, essor des comités spécialisés, transparence mais aussi encadrement de la partie variable des rémunérations des dirigeants, lutte contre les délits d'initié, etc. L'expérience montre quelques difficultés à passer des grands principes à leur application concrète. Sans perdre de vue qu'une réelle intégration des marchés financiers en Europe va supposer, entre pays membres, une forte convergence dans le contenu concret de la transparence de l'information et de la meilleure gouvernance des entreprises.
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